ARCHITECTURE FERTILE
Sur la rive occidentale du plus grand lac d’Italie, baignée par une douceur climatique à l’aplomb de la montagne, une maison du XVIIe siècle et son jardin luxuriant ont conservé leur jus patrimonial grâce à une greffe de 250 mètres carrés, aussi design qu’aérienne. Revisité avec cette audace contemporaine, l’ancien verger de citronniers arbore une sublime vitalité au grand air.
S’immerger dans l’horizon fluide et végétal, sans écran entre l’indoor et l’outdoor? Ce qui n’était qu’une fantasmagorie s’est mué en challenge, concrétisé avec un ingénieux brio. Un Autrichien était en quête d’une maison balnéaire, où nager et faire de la voile en famille, accessible le week-end depuis Vienne. Sur la rive des citronniers du lac de Garde, le village lombard de Toscolano a ancré ce rêve: transformée en patrimoine paysager, enracinant palmiers et oliviers parmi les agrumes, une plantation séculaire attendait un nouveau propriétaire. Même son souhait d’une pelouse à l’anglaise se trouvait exaucé! Restait à concilier le bâti existant, étageant trois niveaux au gré d’une structure classée, et une extension aux lignes claires, laissant porte ouverte à l’esprit des lieux. Multiprimée pour ses conceptions audacieuses, dont les matériaux choisis étayent une cohérence avec le cadre naturel, l’agence italienne BergmeisterWolf a relevé le défi architectural. Construits en «L», 250 mètres carrés sont venus ajouter leur spatialité aérienne à la canopée environnante, tantôt abri intime, tantôt partie du jardin. Enchâssant des doubles vitrages dans des huisseries de laiton bruni, d’époustouflantes baies dédoublent le spectacle en vert et bleu. Loin de coulisser à l’intérieur du salon, de la salle à manger et de la cuisine, nouvellement créés, ces dispositifs plein cadre disparaissent dans le sol, où une puissante motorisation tracte leurs métrages panoramiques, lestés de plus de trois tonnes chacun. La conception étudiée file cette osmose atmosphérique au gré d’une casquette, qui joue du béton et du métal contemporains mis en oeuvre pour cette addition résidentielle. Conjugaison des temps, l’intérieur design est pavé de pierres ancestrales, dénichées dans les églises et autres vestiges alentour. Comme une caresse de soleil, cette patine minérale adoucit le minimalisme décoratif, à l’hospitalité maximale. Dessinée par les architectes, une grande table peut ainsi accueillir jusqu’à douze convives ou rétracter ses 3,6 mètres de long dans l’îlot logistique qu’elle prolonge. Le mobilier privilégie l’esthétisme ergonomique de grandes signatures, italiennes comme françaises. Ici, une chaise blanche de Harry Bertoia ; là, un banc noir de Charlotte Perriand. Avec le même parti pris monochrome, la maison du XVIe siècle a gagné en épure de fond en comble. « Destinée à un usage secondaire et dimensionnée pour onze enfants, elle multipliait les cloisonnements. Nous avons mis à profit d’anciens sanitaires, une chambre et un couloir pour donner de l’espace à notre salle de bains parentale », explique notre hôte. Passé un hall d’entrée où un nouvel escalier sculpte une brutalité sophistiquée, les chambres déploient la même subtilité monacale. Enfin, pendant que l’éclairage participe à cette unité harmonieuse entre les deux édifices, les plants à l’horizon du plan d’eau en demeurent la clef de voûte. « Nous avons considéré que Sandro, octogénaire, faisait partie des meubles. Irremplaçable, il veille sur le jardin, âme éternelle de la propriété », se réjouit l’acquéreur.
PAGE DE GAUCHE De trois mètres sur onze, un couloir de nage est la seule addition à cet ancien verger de citronniers, bien gardé depuis six cents ans par ses murs de pierre.
PAGE DE DROITE Avec les agrumes, palmiers et oliviers balisent aussi le terrain où a pris place une pelouse à l’anglaise. Toutes les chambres en étage ont vue sur cette sublime carte postale, en balcon sur le lac.
PAGE DE GAUCHE 1. L’extension en « L » est immergée dans le jardin. Pour Cassina, canapé « MyWorld » de Philippe Starck et banc « 514 Refolo » signé Charlotte Perriand. Suspensions « Aim » des frères Bouroullec pour Flos, poufs en velours « Zoe » de Verzelloni, coussins Bondenliving, monochromes de l’artiste danoise Karen Hansen. 2. Chaise de Harry Bertoia pour Knoll. 3. Lampe « Nesso » chez Artemide sur un coffre Renaissance, fauteuil « Utrecht » chez Cassina.
PAGE DE DROITE Vase de la collection Bonbonne signé Jean-François d’Or pour Cinna, suspensions Halotech. Prolongeant l’îlot de cuisine, table par les architectes de BergmeisterWolf, chaises « Branca » de Mattiazzi, coupe Kose, assiette et vase Kartell.