PÊCHEUR D’IMAGES
Doisneau et le littoral français, un bel ouvrage publié aux éditions Glénat.
De cet immense photographe, on connaît surtout Le baiser de l’Hôtel de Ville et ses images tendres du Paris d’après-guerre. On oublie que Robert Doisneau a sillonné le littoral français et a saisi, en « révolté du merveilleux », le charme des jeux de plage comme la rude vie des travailleurs de la mer.
« En vérité ma vraie passion est la pêche à la ligne, la photographie ce n’est que mon violon d’Ingres. Mais pour tout dire la pêche n’est pas tellement différente de la photographie. » Robert Doisneau
Parmi les 450 000 négatifs conservés à l’Atelier Doisneau, la structure créée par ses deux filles Annette Doisneau et Francine Deroudille pour assurer la conservation et la représentation de son oeuvre, on trouve des marins-pêcheurs, des dockers, des rivages, des ports, des scènes de plage et des fronts de mer. Mais ni marin à la barre, ni course au large ! Robert Doisneau préférait photographier les marins en ville pendant leur permission plutôt qu’à la manoeuvre ou en rang sur le pont d’un navire. Il avouait : « l’idée de se trouver devant le Pacifique ou le lac Baïkal a tout pour m’effaroucher ». Il n’embarquait pas sur les cargos ou les porte-conteneurs mais aimait saisir des scènes cocasses de passagers se prélassant au bord de la piscine ou au bar. C’est sur les plages, avec le développement du tourisme balnéaire, que s’exerce le mieux le regard tendre et narquois de Doisneau, où il vaque « le nez en l’air comptant sur le bon coeur du hasard ». Les bains de mer deviennent un théâtre social qui offre, à qui sait les croquer, des saynètes pleines d’humour. Et l’amour de Doisneau pour le monde de l’enfance trouve un merveilleux terrain de jeu à la plage avec de petits capitaines sur des embarcations légères, des scènes de bain ou un défilé enfantin sur la plage. Le photographe se régale des occupations du touriste, de la pêche à pied aux déjeuners en famille au bord de la mer, des séances de bronzage à l’achat d’objets-souvenirs en forme de coquillages et de crustacés. Tout devient drôle et pittoresque dans son viseur malicieux. Sa fille, Francine Deroudille, offre un beau témoignage de ces « vacances » où son père travaillait, « préférant définitivement le Rolleiflex à la chaise longue » . Avec sa soeur et les enfants de leurs amis, ils deviennent des top-models... toujours souriants car Robert Doisneau ne cessait de parler en prenant des photos et faisait des « commentaires jubilatoires » . Du 1er au 15 août 1959, il sillonnera la France en vacances, pour Paris-Match, avec des images plutôt ironiques sur les foules balnéaires. C’est toute la beauté et le charme de l’oeuvre photographique de Robert Doisneau, mise en lumière par les textes de l’historienne de la photographie, Angelina Meslem, dans son ouvrage Allons voir la mer avec Doisneau, publié aux Éditions Glénat.