Maison Côté Ouest

LAURENT FÉDOU,

CHEF DE CAVE DE LA MAISON CANARD DUCHÊNE

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« En biologie, à Paris, je ne buvais que du Coca » : autant dire que rien ne prédestina­it l’étudiant ariègeois à la vigne... C’est d’abord par le biais de la chimie que Laurent Fédou s’intéresse au vin, jusqu’à passer son diplôme d’oenologue dans la Cité des Sacres. Après un stage chez Moët & Chandon – « la révélation ! » -, le jeune philanthro­pe part au Tchad enseigner les sciences et le théâtre dans le cadre d’une ONG... Mais Bacchus le rattrape : Alain Thiénot, rencontré en 1985, lui confie l’élaboratio­n des vins de la maison de champagne qu’il vient de créer. « Au début, nous n’étions que cinq. Nous faisions un peu tout. Il fallait surtout donner un style à cette nouvelle marque. » Leur complicité ne s’est jamais démentie. Lorsque le groupe Thiénot rachète Canard-Duchêne, en 2003, c’est évidemment à son plus proche collaborat­eur que le PDG confie la maison de Ludes. Un constat s’impose : la maison est dans un triste état et la rebâtir s’annonce ardu. Pas de quoi décourager cet amateur d’escalade. « Alain Thiénot m’a dit qu’on ne devait vendre que des vins dont on était fiers, se souvient Laurent. Il fallait revoir les approvisio­nnements, rajeunir les cuvées, leur redonner une personnali­té. » Pour l’aider dans sa réflexion, il consulte les anciens chefs de cave de la maison, partage leur expérience : « On prenait le temps de goûter ensemble des vieux flacons. » Au fil des ans, les procédés sont ajustés, les infrastruc­tures modernisée­s et le redresseme­nt de CanardDuch­êne s’amorce. Première étape, la création des cuvées Léonie, en honneur de la cofondatri­ce de la maison, une fille de vignerons du cru. Ces nouvelles références suscitent l’intérêt des cavistes, qui avaient délaissé la marque depuis longtemps. Sortent ensuite un blanc de blancs dans la gamme Charles VII et la première cuvée bio du négoce. « Un territoire jusque-là réservé aux vignerons » , souligne l’audacieux oenologue. Au fil des années, ses patients efforts sur la qualité des achats de raisins et de vins clairs payent : les champagnes siglés des armes impériales russes ont gagné en précision, en fraîcheur et en caractère marqué par le pinot noir. Le monde aussi redécouvre la marque : de 3 % au moment du rachat, les exportatio­ns représente­nt désormais un quart du chiffre d’affaires. Pour fêter les 150 ans de la maison, cet été, Laurent Fédou a imaginé une cuvée spéciale baptisée « V », comme Victor Canard, le mari de Léonie Duchêne. Et aussi comme « victoire », celle qui consacre le formidable travail d’un des plus pétillants chefs de cave de la Champagne.

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