ÉLÉGANCE EN VILLE
Au coeur de Quintin, cité de caractère des Côtes-d’Armor, réputée aux XVIIe et XVIIIe siècles pour son tissage de toiles de lin, de nombreux hôtels particuliers de négociants témoignent encore de ce passé prestigieux. L’un d’eux, à son caractère d’origine
Dans les Côtes-d’Armor, effet de miroir entre un hôtel particulier et son parc paysager.
Ville proche de Saint-Brieuc jadis renommée pour la finesse de ses toiles de lin, Quintin fit partie de la Manufacture des toiles de Bretagne et comptait 300 tisserands à la Révolution. En 1988, après avoir acheté l’hôtel Digaultray-Deslandes, l’un de ses anciens hôtels particuliers de négociants datant de 1722, ses propriétaires découvraient qu’il avait été laissé à l’abandon durant trente ans. La superbe demeure était en très mauvais état et n’avait plus de jardin ! « C’est par lui que nous avons commencé. Sur ces 1800 m2 clos de murs, nous voulions un espace qui prolonge la maison, sans fleurs ou très peu, bien tracé par des lignes
graphiques, serein et agréable toute l’année. » Appréciant le travail dans le Morbihan du fameux paysagiste Erwan Tymen, c’est à lui que le couple fit appel, ce metteur en scène d’espaces n’ayant pas son pareil pour intégrer un bâti dans son paysage et harmoniser l’un avec l’autre. L’écrin très architecturé en carrés et triangles à base de buis, ifs et charmes qu’il imagina ne devait en rien entraver l’esprit XVIIIe siècle de la maison, ni l’histoire de la ville, mais au contraire la compléter de façon simple et naturelle, lui offrir en quelque sorte une pièce supplémentaire bien plus que créer un nouveau jardin. Seuls végétaux rescapés du passé, les lauriers furent taillés en forme de champignons. Treillis, dénivelés et recoins apportèrent de la profondeur à l’espace en coeur de ville,
somme toute limité. Ici et là furent ensuite intégrés décors de pierre, statue et faux temple, puis quelques hortensias, des rosiers iceberg, des sauges et des anémones du Japon, de couleur blanche pour la plupart. La maison, quant à elle, avait de beaux restes que l’on conserva : parquets XVIIIe siècle à larges lattes, boiseries qu’il fut décidé de juste lessiver pour en garder toutes les nuances de patines, volets intérieurs. « D’autres à Quintin ont tout changé, dénaturé, nous au contraire avons voulu respecter l’esprit du lieu et n’avons rien repeint ! » Seules touches de modernité et de chaleur apportées aux pièces majestueuses, des objets et meubles chinés, des collections particulières, soigneusement disposés en cohérence avec le cadre. Une fidélité rigoureuse reconnue par les Monuments historiques, qui ont inscrit l’intérieur et l’extérieur de la maison, ainsi que le jardin. « Si un jour l’ensemble devait être mis en vente, cela le protégera », se félicite la propriétaire, qui ouvre son rez-de-chaussée aux Journées du patrimoine et aux groupes sur rendez-vous. Elle organise, ces jours-là, avec la librairie de Quintin, Le Marque Page – dont on a pu voir le libraire en janvier dans l’émission La Grande Librairie – une librairie éphémère sur l’histoire et les jardins. Parmi les beaux livres que l’on peut y trouver, Erwan Tymen. Dix-neuf jardins (de Christine Barbedet et Philippe Perdereau. éditions Coop Breizh) fait honneur au lieu pour son élégance paisible et intemporelle.