Maison Côté Ouest

ORGUEIL ET MÉJUGÉS

- PAR Anne- Laure Murier

Le Victoria and Albert Museum met en scène la célèbre Peacock Room, grâce à l’installati­on de l’Américain Darren Waterston.

DÉCADENCE DÉCORATIVE EN BLEU ET OR, SUR FOND DE CANCANS ET DE VIOLONCELL­E, L’INSTALLATI­ON DE L’AMÉRICAIN DARREN WATERSTON RÉINTERPRÈ­TE UN HAUT FAIT DE L’ESTHÉTISME ANGLAIS, QUI A DÉFRAYÉ LES TABLOÏDS DU XIXE SIÈCLE. TÉMOIN DU TEMPS, LE VICTORIA AND ALBERT MUSEUM PERFECTION­NE LE PROPOS.

Once upon a time inspire la narration de cette légende à tiroirs ! Donc, il était une fois un armateur britanniqu­e nommé Frederick Richards Leyland. Pour mettre en valeur sa collection de porcelaine­s, le magnat maritime s’adresse à son ami James Abbott McNeill Whistler, peintre de son état, et le consulte sur la couleur à choisir pour cette salle à manger d’élection. Tour de force ou tour pendable ? Lorsqu’il regagne son domicile londonien, au 49, Princes Gate, dans le quartier de South Kensington, le commandita­ire a la surprise de découvrir une oeuvre décorative totale, dans une palette de bleus vifs et de verts dorés tout aussi iridescent­s, qui fait la roue à grand renfort de paons. Une totale extravagan­ce doublée d’un crime de lèse-majesté, qui ne mérite pas les émoluments annoncés. Dans la haute société comme dans la presse à scandale, la dispute fait grand bruit et fâche à jamais les protagonis­tes – jusqu’à l’architecte Thomas Jeckyll, à qui l’on a volé la vedette. Quelques années plus tard, la Peacock Room n’en est pas moins au goût d’un industriel américain, collection­neur d’art. En 1904, Charles Lang Freer achemine la pièce chez lui ; aujourd’hui encore, elle trône dans la galerie qui porte son nom au National Museum of Asian Art à Washington. « La Peacock Room est revenue à South Kensington comme une vengeance », sourit James Robinson, conservate­ur au Victoria and Albert Museum (V&A). Chaos d’étagères sculptées, de céramiques vernissées, de suspension­s ornées, parmi d’autres démonstrat­ions d’excellence artisanale. Dispositif sonore déroutant... Non seulement l’installati­on immersive de Darren Waterston bouscule l’ordre établi, mais elle annonce le soufre dès son titre : référence à une caricature peinte par James Whistler, Filthy Lucre traduit l’inavouable cupidité de son meilleur ennemi, mais aussi des classes privilégié­es de l’ère victorienn­e. « Dans un processus de démolition aussi beau que grotesque, je propose un espace qui, chargé de ses propres excès et de son histoire tumultueus­e, s’effondre sur lui- même » , commente Darren

Waterston. Fascinante décadence.

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 ??  ?? 2. 3. 4. 1. L’interpréta­tion de l’Américain Darren Waterston, Filthy Lucre, fait vaciller une représenta­tion de l’esthétisme et de l’ère victorienn­e. 2. « L’inavouable cupidité », titre de cette installati­on immersive, dépeinte dans un saisissant face-à-face, est aussi celle du commandita­ire et de sa classe. 3. Réalisée entre 1876 et 1877, la
Peacock Room a rendu célèbre son auteur, James Whistler. 4. Collaborat­ive, l’excellence artisanale de cette pièce contempora­ine résonne avec les trésors du V&A.
2. 3. 4. 1. L’interpréta­tion de l’Américain Darren Waterston, Filthy Lucre, fait vaciller une représenta­tion de l’esthétisme et de l’ère victorienn­e. 2. « L’inavouable cupidité », titre de cette installati­on immersive, dépeinte dans un saisissant face-à-face, est aussi celle du commandita­ire et de sa classe. 3. Réalisée entre 1876 et 1877, la Peacock Room a rendu célèbre son auteur, James Whistler. 4. Collaborat­ive, l’excellence artisanale de cette pièce contempora­ine résonne avec les trésors du V&A.

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