L’ART DU DÉCOR
À Braemar, où ont lieu chaque année les célèbres Highlands Games chers à la reine Elisabeth II, un ancien relais de poste accueille désormais un hôtel résolument unique. Un bel hommage à la culture locale et à la beauté sauvage des Cairngorms orchestré pa
À Braemar, en Écosse, l’hôtel hors du temps, réveillé par l’art contemporain, orchestré par le décorateur d’intérieur Russel Sage.
Ceci n’est pas un musée, mais l’art y est omniprésent. Imaginez savourer l’afternoon tea avec une toile de Lucian Freud ( Child Portrait, Annie) à portée de main ou en face du Mousquetaire assis, autoportrait tardif de Picasso, sous l’hallu cinant plafond peint par l’artiste chinois contemporain Zhang Enli. Se régaler de saumon et de gibier en contemplant une scène de village de Brueghel le Jeune, dans le restaurant dont les murs accueillent la fresque « cubistoïde » de l’Argentin Guillermo Kuitca, inspiré par les paysages et les rivières des Highlands. Déguster un whisky de la distillerie voisine en compagnie de L’Espagnole de Francis Picabia et d’Elsa Schiaparelli dont les portraits par Man Ray ornent le bar. La créatrice de mode fut fidèle en son temps à Braemar, convertie par son amie Frances Farquharson, l’éditrice de Harper’s Bazaar, dont le mari appartenait au clan local des Farquharson. Cela sans compter, dans l’escalier monumental, le lustre extravagant, aux néons en forme de bois de cerf, de l’Américain Richard Jackson, l’ébouriffant piano Steinway & Sons recouvert par Mark Bradford de bandelettes brûlées et dépigmentées, L’Araignée de Louise Bourgeois tenue à l’oeil depuis la bibliothèque par la reine Victoria ( son effigie de cire achetée au musée Madame Tussauds). L’art et l’humour se conjuguent ici merveilleusement. L’empreinte victorienne domine, orchestrée par le décorateur londonien Russell Sage. Il livre une scénographie unique pour chacune des 46 chambres et suites, chacun des salons et corridors, dans une profusion de papiers peints aux motifs riches, de tissus luxueux, de meubles et d’antiquités chinées, de photographies anciennes grand format (dans la suite royale « Duke of Fife », le duc et son épouse, petite- fille de la reine Victoria, surplombent la baignoire en cuivre), de dessins, d’aquarelles et de toiles naturalistes, de pièces de taxidermie et trophées de chasse. Le tout forme une incroyable collection de seize mille antiquités et oeuvres d’art dans ce minuscule village du parc national des Cairngorms, voisin du domaine royal de Balmoral, un véritable collage surréaliste. Il aura fallu quatre ans d’un travail minutieux et titanesque aux décorateurs, historiens d’art, architectes, artisans locaux pour ressusciter ce relais du XIXe siècle en granit gris et rose, bâti par l’architecte du Waldorf Astoria à Londres, Alexander Marshall Mackenzie. Il recevait jadis les compagnons de chasse du duc de Fife. L’hôtel était à l’abandon lorsque Iwan et Manuela Wirth, galeristes mondialement renommés, l’ont acquis. Propriétaires du domaine voisin d’Invercauld, ils ont mis leur fortune au service de leur passion pour l’Écosse. Tout ici fait référence à son histoire, ses héros, sa faune et sa flore, ses paysages, son artisanat. La tradition with a twist. Un éblouissant tour de magie !