Maison Côté Ouest

EMPREINTES DE VIE

- PAR Béatrice Brasseur

L’univers intemporel, inscrit dans le silence apaisant, de la céramiste Sylvie Enjalbert.

CÉRAMISTE AUTODIDACT­E, SYLVIE ENJALBERT ENCHAÎNE LES RÉSIDENCES D’ARTISTE DANS LE MONDE POUR ENRICHIR SON ART ET EST EXPOSÉE INTERNATIO­NALEMENT. SES CRÉATIONS, NÉES DANS LA PLUS GRANDE DISCRÉTION, DANS LA LENTEUR ET LE SILENCE, AU PIED DES PYRÉNÉES, SÉDUISENT PAR LEURS FORMES À LA FOIS IMMÉMORIAL­ES ET CONTEMPORA­INES.

C’est très loin, sur un autre continent, que Sylvie Enjalbert a découvert la poterie. Au Chili, dans le désert d’Atacama, où elle résidait alors. Fascinée par l’art des artisans locaux, elle s’initie auprès d’eux et se passionne pour cet art ancestral. Rentrée en France, changement de décor : elle s’installe dans un village des Hautes-Pyrénées, pour travailler le grès, exclusivem­ent. Sa maison est aussi son atelier, d’où la vue sublime sur la chaîne de sommets invite à la contemplat­ion. Sylvie Enjalbert puise son inspiratio­n dans « toutes les mains qui ont fabriqué des choses avant [elle], dans ce que l’humanité a en commun au- delà des époques, des cultures et des frontières physiques » . Japon, Mésopotami­e, Amérique précolombi­enne, tout l’intéresse. Elle porte une attention particuliè­re aux récipients alimentair­es, « des objets essentiels qui ont contenu de l’eau, des graines, la vie en quelque sorte » . Ses créations minimalist­es semblent intemporel­les. S’agit-il de pots ou de sculptures ? L’artiste ne leur assigne ni rôle ni fonction. Elle utilise la technique du colombin, entièremen­t manuelle, qui ne requiert pas le tour, mais exige temps et patience. Ses argiles viennent d’Espagne et confèrent à ses pièces des teintes ocre, bleu noir et brun doré une fois cuites à 1280 °C, dans un four à gaz en réduction. Le four à bois déposerait des cendres sur ses pots, résidus qui « les rendraient trop bavards » . Régulièrem­ent, Sylvie Enjalbert s’initie à d’autres savoir-faire à travers le monde, en résidence d’artiste au Japon, en Corée du Sud… En Chine, elle a appris à façonner des pots sur pieds et de très grands formats qui engagent tout le corps du sculpteur. En ce moment, elle travaille sur la disproport­ion, les ouvertures excentrées, les points d’équilibre ou de rupture, et les formes imbriquées. L’empreinte de son pouce apparaît sur ses créations comme une trace de vie. Elle aime à dire que « les pots la nourrissen­t de façon essentiell­e » . Ainsi, ce qu’elle imprime dans l’argile, c’est son imaginaire, tout son être. Il lui suffit pour cela de ses seules mains, du silence et de la puissance de la nature.

SYLVIE ENJALBERT — Expose à la Biennale Révélation­s, Grand Palais, Paris, du 10 au 13 juin. Adresse page 168

 ??  ?? 1. Sylvie Enjalbert pratique d’infinies variations sur la même base : le pot non émaillé, « dont la peau appelle le toucher » . Ici, différente­s séries en grès brut, sable, ocre et brun. 2. L’artiste sera exposée à Paris en juin et à Venise en septembre. 3. Elle travaille sur l’équilibre et la disproport­ion, dépasse les typologies d’usages et de cultures. 4. Des pièces de la série « Sans pied » (2019), commencée lors d’une résidence d’artiste en Chine, en grès brut rouille et brun.
1. Sylvie Enjalbert pratique d’infinies variations sur la même base : le pot non émaillé, « dont la peau appelle le toucher » . Ici, différente­s séries en grès brut, sable, ocre et brun. 2. L’artiste sera exposée à Paris en juin et à Venise en septembre. 3. Elle travaille sur l’équilibre et la disproport­ion, dépasse les typologies d’usages et de cultures. 4. Des pièces de la série « Sans pied » (2019), commencée lors d’une résidence d’artiste en Chine, en grès brut rouille et brun.

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