Maison Côté Ouest

POÉSIE D’ARMOR

- PAR Laurence de Calan PHOTOS Vincent Thibert

Promenade romantique et intimiste dans les jardins de Kerdalo, oeuvre du prince russe Peter Wolkonsky, dans les Côtes-d’Armor.

OEuvre du prince russe Peter Wolkonsky, les merveilleu­x jardins de Kerdalo qu’il créa en 1965 dans les Côtes-d’Armor continuère­nt à enchanter les visiteurs après sa disparitio­n, en 1997. Grâce à sa fille et à son gendre, Isabelle et Timothy Vaughan, et aux jardiniers qui surent en conserver plantes rares, mises en scène végétales et, dans une harmonie picturale, l’âme secrète.

PAGE DE GAUCHE Chardon bleu Echinops ritro ‘Ruthenicus’, Acacia baileyana ‘ Purpurea’ et Solanum jasminoïde­s. Après les Melianthus major, un Actinidia kolomikta à fleurs roses et un Pandorea parfumé.

PAGE DE DROITE 1. « Les quatre carrés » revus en 2004 par Timothy Vaughan aux vivaces et buis taillés ; un Phlox paniculata ‘David’, cadeau du jardinier Christophe­r Lloyd et, mêlé à la glycine blanche, un rosier Sénateur Lafollette. À droite du pavillon, un rare bambou Yushania maling. 2. « Le haut vallon » aux hydrangea paniculata et villosa. Un pin de Wollemi, conifère protégé de la période jurassique, découvert en 1994 par David Noble en Australie. 3. Dans « les quatre carrés », graminées blanches Pennisetum villosum et fontaine alimentée en eau de la vallée. À gauche un rosier, à droite un ficus et derrière, des chênes verts.

PAGE DE GAUCHE De romantique­s nénuphars roses recouvrent la surface de l’eau du bassin ; au fond, une cascade d’hortensias de couleur bleue et blanche ; à gauche, un Lonicera nitida ‘Baggesens Gold’ au feuillage doré.

PAGE DE DROITE À gauche du porche ouvert qui conduit à la maison, une Clematis montana et à droite un Echium ou vipérine de Madère. Juste devant, des graminées Libertia grandiflor­a, une vivace qui pousse partout, même entre les pierres du dallage.

Acquis en 1965 par la mère d’Isabelle Vaughan, le domaine de Kerdalo doit la beauté de ses jardins au père de celle-ci, Peter Wolkonsky. Ce prince russe né en 1901 à Saint-Pétersbour­g, doué de multiples talents, dessinait, peignait, concevait maisons et jardins. « Il partit à la recherche de pierres pour construire cheminées, lucarnes, tours et faire de cette vieille ferme un véritable manoir ! » raconte sa fille. Il sut surtout, sur cette terre acide et vallonnée dominant la rivière du Jaudy, imaginer et réaliser un jardin de rêve avec ses bassins, cascades, grotte, pavillons, escaliers d’eau et sa profusion de plantes rares, plus de 5 000 issues des meilleures pépinières. « Mon père n’avait pas fait d’études botaniques, il élabora le jardin sans plan, choisit ses plantes par couleur tel un peintre, avec sa sensibilit­é, ses influences italiennes et anglaises. » Peu à peu prit forme un jardin aussi structuré que magique et romantique. On y plonge avec délice, surpris par une perspectiv­e, un espace clos, une pièce d’eau, des nuances délicates. « Mon père plantait petit, ainsi ces haies de chênes verts qui ont grandi et protègent l’ensemble du jardin des vents d’ouest, les haies sont importante­s ici. » Lorsque, après trente ans de travail à Kerdalo, Peter Wolkonsky disparaît en 1997, Isabelle et son mari, Timothy, quittent leur propre pépinière afin de poursuivre son oeuvre. Isabelle avait reçu une sérieuse formation. Après avoir grandi parmi les collection­s de pivoines et delphinium­s du jardin familial en banlieue parisienne, elle partit étudier dans « le temple du jardinage » à Wisley, propriété de la Royal Horticultu­ral Society, au sud de Londres, ratissant les feuilles ou bien restaurant l’herbier du botaniste George Forrest et surtout notant, observant. « J’ai gardé des lettres de mon père, il m’y dit de toujours observer, de mettre mes mains dans la terre pour la sentir et la comprendre. » Chez le pépiniéris­te Harold Hillier à Winchester, Isabelle rencontre Timothy Vaughan, son futur mari, qui étudie aux jardins botaniques royaux de Kew à Richmond. Durant vingt-sept ans, le duo va s’investir sans relâche avec trois jardiniers, des étudiants et apprentis, pour conserver la magie, la poésie de Kerdalo, son esprit à la fois sauvage et sophistiqu­é. « Mon père taillait très peu, j’ai suivi son exemple et il m’a fait comprendre à quel point un jardin est fragile. » Kerdalo reçut le label « Jardin Remarquabl­e » en 2005 et, deux ans plus tard, fut inscrit à l’inventaire des monuments historique­s. Un superbe livre parut, Kerdalo, le jardin continu (Ulmer), d’Erik Orsenna, Isabelle et Timothy Vaughan. Cette aventure est loin d’être terminée car Isabelle, qui a bien mérité de profiter avec Timothy de leur jardin situé à quelques kilomètres vers la mer, vient de revendre le fleuron familial à un autre passionné de jardins, tombé sous le charme de ce lieu d’exception qu’il saura, à n’en pas douter, continuer d’embellir et d’ouvrir au public. Quant à Isabelle et Timothy, ils auront le bonheur d’y revenir en visiteurs...

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