LES FIANCÉS DE L’ OCÉAN
Au pied de la Rhune, ils tutoient l’Atlantique, de leur silhouette altière, blanche et rouge. Escale à Saint-Jean-de-Luz, historique et chicissime station balnéaire, et à Guéthary, village de pêcheurs devenu un repaire de surfeurs et de célébrités.
étape N°1 LE PARFUM DE L’HISTOIRE
« Se promener dans une ville aussi majestueuse , entre les palais bourgeois du XVIIe siècle, les villas du front de mer et leurs jolies passerelles en bois, et des maisons séculaires comme la pâtisserie Adam, qui régala Louis XIV à son mariage, le maroquinier Laffargue ou la maison Lartigue 1910 et ses beaux tissus à rayures, le tout à deux pas de l’Océan, c’est un privilège », s’enthousiasme Tristan, résident du quartier Aice Errota. Saint-Jean-de-Luz vient d’ailleurs de recevoir le label Ville et Pays d’art et d’histoire. « Les deux grands architectes à l’origine du style néobasque, Henri Godbarge et André Pavlovsky, y ont édifié une centaine de maisons entre 1920 et 1930. Celles-ci s’inspirent de l’architecture vernaculaire régionale, avec leurs boiseries colorées, un toit à quatre eaux [quatre pentes], l’écusson de la façade d’entrée et les hauts balcons. » Ce même Pavlovsky imagina les deux célèbres phares vert et rouge qui se dressent de chaque côté du port, telles deux sculptures urbaines, au graphisme dépouillé et aux balcons en pointe de diamant, les seuls phares Art déco au monde ! Saint-Jean-de-Luz, heureusement protégé des assauts de l’Océan par des digues dont la construction fut lancée par Napoléon III, est un régal architectural. Construite dans les années 1920, la villa Leïhorra en est le chef-d’oeuvre Art déco, amoureusement restauré par ses propriétaires, qui en entrouvrent les portes au printemps. Le patio d’inspiration mexicaine est tapissé d’une délicate mosaïque au motif « queue de paon », le vitrail est signé Jacques Gruber, maître verrier de l’école de Nancy. Pendant les Journées du patrimoine, on peut admirer l’extraordinaire salle de bains, entièrement carrelée de bleu au mur et de pavés de verre au sol. Dans les quartiers Aice Errota et Sainte- Barbe défilent les folies néobasques, néo-espagnoles, Art déco ou franciliennes construites à l’apogée de la Belle Époque et des Années folles, lorsque le régionalisme apparaissait comme le dernier exotisme. « La rue de Sainte-Barbe, c’est le must, ajoute Tristan. Ses maisons regardent à la fois la baie, le fort de Socoa, le cimetière marin en forme de voile et les Trois Couronnes, à l’extrémité des Pyrénées. » C’est sur la plage, à côté de la Digue aux Chevaux, que se retrouvent les heureux propriétaires de ces belles résidences. Les soirs d’été, on file au restaurant Rita, la Vierge à la mer, situé à deux pas, goûter les délicieux fritto misto et caponata.
étape N°1 DYNAMISME BASQUE Pour un dîner chic, direction Instincts, la micro-table du jeune et talentueux Ugo Padovan, le restaurant Ilura à La Réserve, dont le chef Pierre Boffo raconte que « la découverte du terroir basque a fait grandir sa cuisine », et, bien sûr, la terrasse de L’Atlantique, face à l’Océan, le restaurant bistronomique aux airs de paquebot années 1930 de l’hôtel Hélianthal, magnifiquement rénové par l’architecte Jean-Philippe Nuel. L’établissement vient tout juste de rouvrir, avec quatre nouvelles suites en duplex face à la mer et un superbe spa avec parcours marin. Les producteurs du Pays basque, qui compte cinq AOP, sont un formidable vivier d’inspiration pour les chefs. Côté art de vivre, c’est l’effervescence entre les maisons de linge basque dont les tissus bayadères, aux larges rayures multicolores, ont conquis le monde entier sans que l’on connaisse toujours leur origine. « Depuis le siècle, les couleurs des maisons reflétaient les professions de leurs propriétaires – rouge pour les éleveurs, bleu pour les pêcheurs. Nos sept régions basques ont aussi leurs couleurs propres. C’est cette tradition, remise au goût du jour, qui inspire la maison Jean-Vier », XIXe explique son directeur, André Elustondo, dont le linge se pare aujourd’hui de motifs Art déco ou de vagues et s’ouvre au tissage jacquard, sous la houlette de la nouvelle directrice artistique. Chez Lartigue 1910, on fabrique toujours localement, à Ascain et Bidos. Si Jean-Marie Tran-Van, le créateur de l’hôtel Balea, devait quitter Guéthary, c’est à Saint-Jean-de-Luz qu’il s’installerait, pour son atmosphère vivante, chaleureuse, et ses boutiques ouvertes toute l’année. Il est vrai que tout est regroupé à quelques pas dans le centre-ville, entre les Halles, le cinéma, le port et la place Louis XIV, pour boire un verre. « On peut monter à la Rhune dans la journée et surfer le soir à Lafitenia ou Erromardie » , fait-il remarquer. Et tous les quinze jours, il y a une fête ! Au Pays basque, l’art de vivre est si empreint de traditions, et celles-ci sont si vivaces, qu’on peut difficilement trouver une région plus authentique. Les jeunes parlent basque, on y joue vraiment à la pelote, les hommes chantent dans les chorales, pratiquent le rugby, on déguste de bons produits locaux en circuit court. « Moi qui suis né à Saint-Brieuc, je suis venu pour la mer chaude », s’amuse Stéphane Pirel, le linograveur de la galerie Crusoée, dont les images de lieux ou de figures emblématiques de la région sont gravées puis peintes à l’aquarelle. On ne le contredira pas !
étape N°2 VILLAGE MYTHIQUE Pour le directeur du Madrid, Arnaud Pianko, « Guéthary, c’est le dernier petit bijou de la Côte basque, très préservé, avec peu d’adresses. Notre clientèle est plutôt sportive, elle vient surfer... ou rêver de surfer la fameuse vague de Parlementia, qui part de loin et tient très longtemps. » On flâne ensuite dans les ruelles, et on s’arrête à la terrasse du Madrid, qui tient lieu de place du village, pour jouer au jeu du « qui est là ? » Difficile d’imaginer le petit port de pêche de l’époque où Pablo Picasso et Paul Klee venaient humer l’air de la mer, dont la baleine était la richesse. Clin d’oeil à cette tradition séculaire, un squelette orne majestueusement la salle du restaurant L’Hétéroclito. Pour Zoé Gueydan, la nouvelle propriétaire, « Guéthary est resté un village sans gros parking, ni immeuble bétonné, une chance. Depuis l’esplanade, quand le temps est bien dégagé, on peut apercevoir la côte, de Fontarrabie jusqu’à Biarritz Même pendant les tempêtes, cela reste magnifique, on est comme sur un bateau » . Elle confesse qu’en période estivale, c’est l’explosion, de 500 à 600 couverts chaque jour ! La bourgade pittoresque de 1 200 âmes compte alors près de 10 000 habitants, le moindre espace se transforme en pop-up branché. Pour l’artiste Patricia de la Torre, qui vit sur place et réalise de magnifiques chantiers de textures et matières murales dans le monde entier, « l’été n’est pas ma saison préférée, Guéthary devient presque une marque .» Le chef Paul Dubertrand, du délicieux restaurant Le Poinçon, renchérit : « On est clairement dans un standing élevé, notamment dans les résidences secondaires, mais pas guindé, ni bling- bling, ce sont plutôt des personnes non conventionnelles. » Anonymes et célébrités, comme Alain Ducasse, qui vient tout l’été, ou Frédéric Beigbeder, dont les enfants sont scolarisés ici, cohabitent joyeusement. Pour Joséphine, une habituée, « à Guéthary, tous les gens sont beaux, chics et très sportifs, tout simplement ! La vue sur la baie est à couper le souffle, le site, pas trop construit, vallonné, et les habitants se montrent très accueillants avec les Parisiens. » Jean-Marie Tran-Van, fondateur de l’hôtel Balea, qui a investi une ancienne école, le confirme : « À la fête du cochon de lait, les Guéthariars et les familles en vacances se mélangent, toutes générations confondues. » Pour Patricia de la Torre, « habiter cette pépite architecturale est un privilège, tout se fait à pied ou à vélo, la mer est omniprésente, les paysages abrupts cachent des plages sauvages, il faut descendre et remonter à pic ! Ici, la nature se mérite. »