DU VERT DANS LES BULLES
En retard dans la certification bio de son vignoble, la région progresse doucement. Une poignée de vignerons visionnaires ont ouvert la voie qu’empruntent désormais de plus en plus de récoltants-manipulants, soucieux de concilier protection de l’environnement et qualité de leurs vins.
Terrible année 2021 : gel, mildiou, la nature n’a pas épargné la Champagne, qui fait pourtant beaucoup d’efforts pour renouer avec une production plus écologique. Le nombre d’exploitations certifiées biologiques ou en conversion, 593 à ce jour, a bondi de 216% en deux ans. Mais derrière ce chiffre spectaculaire, seulement 2 550 hectares, au total, sont passés au vert – sur les 34 300 que compte l’appellation. Soit à peine 7,5 % de la surface viticole, quand la moyenne nationale s’élève à 14 %. Il y a des raisons à cette tardive mise au pli environnemental: à l’issue des trois années de conversion, outre la difficulté de pratiquer une agriculture bio en climat septentrional, la baisse du rendement, les coûts en matériel et en personnel, il faudra aux propriétaires patienter encore deux ou trois ans avant d’imprimer le précieux logo AB sur l’étiquette. Un délai plus long que dans les autres vignobles, lié au mode d’élaboration du champagne (temps de prise de mousse et élevage sur lattes). Pourtant, voilà cinquante ans, cela n’a pas découragé les pionniers Jean-Pierre Fleury, Georges Laval, Jacques Beaufort… de tracer la voie. Comme, plus tard, Pascal Doquet, qui préside aujourd’hui l’Association des champagnes biologiques (ACB): « Rien ne m’a poussé vers le bio, tout m’a retenu ! » Ou encore Eric Rodez, merveilleux conteur du pinot noir d’Ambonnay, qui regrette : « Nous ne sommes pas assez dans cette logique-là, car elle est exigeante : il faut accepter de vivre au rythme de la nature et pas de l’horloge mondiale. » Un précepte qu’il partage avec son fils Mickaël. Les coopératives entrent aussi dans la course sous l’impulsion de leurs membres. Mais elles sont confrontées à un écueil pour généraliser le bio: la multiplication des approvisionnements – jusqu’à 5 000 adhérents chez Nicolas Feuillatte. En attendant, l’option Viticulture Durable en Champagne a séduit 21 % des exploitations. Un label régional plus contraignant que le HVE3 (Haute Valeur Environnementale) mais moins que l’obtention de la petite feuille verte AB. Un premier pas.