LE SENS DU BEAU
À la galerie Photographie et paysage, Jérôme Vila propose ses romantiques vues de Ré en grand format car « les gens recherchent de la déco pour leur maison ». On peut regretter qu’ils soient un peu moins intéressés par son travail passionnant, presque documentaire, sur l’érosion du littoral français. « Photographier l’île de Ré, c’est faire de la dentelle, on est dans l’hypersensible, une matière accentuée par les lumières d’hiver » , souligne-t-il. On atteint l’ancienne capitale du sel et son port, niché au bout du Fier, où s’élancent les voiliers Tofinou en acajou construits par le chantier naval Latitude 46 de La Rochelle, en roulant au milieu de bandes de marais salants. L’île n’en concentre pas moins de 1 600 hectares ! Ars se distingue de loin grâce au clocher gothique, peint en noir et blanc, de l’église Saint-Étienne, que les marins peuvent aussi apercevoir à des kilomètres. Les maisons chaulées, coiffées de tuiles canal inspirées des tuiles romaines, se laissent découvrir le long les ruelles fleuries. Le village est ravissant avec ses maisons chaulées, coiffées de tuiles canals, qui ressemblent aux tuiles romaines, et ses ruelles étroites fleuries. À l’image de ces villages insulaires si particuliers de nos côtes atlantiques que célébrait Pierre Loti : « Ils étaient tout blanc de chaux comme des villages arabes, et nets, et propres, à ravir, avec des giroflées, des roses, des fleurettes poussant partout parmi les pavés blancs. » Les soubassements des habitations sont bordés de noir car passés au coaltar, afin de protéger la fragile pierre calcaire des remontées d’humidité. On s’arrête devant la superbe maison du Sénéchal – sise à côté de l’hôtel qui porte le même nom –, ornée de sculptures Renaissance et d’échauguettes. Mais c’est à la sortie de la ville qu’on découvre son plus beau joyau, la Réserve naturelle nationale de Lilleau des Niges, paradis de l’ornithologie française. La zone humide que forment le Fier d’Ars, mer intérieure, et la fosse de Loix est, tout au long de l’année, une terre d’accueil privilégiée pour de nombreuses espèces végétales et animales. On compte ainsi plus de 300 espèces d’oiseaux venus d’Europe, d’Afrique et d’Amérique du Nord : échasses blanches, bernaches cravants, avocettes élégantes, aigrettes garzettes, gorgebleues à miroir... De par sa situation géographique idéale sur la grande voie atlantique de migration, la réserve naturelle et l’île de Ré dans son ensemble jouent un rôle majeur pour la nidification des oiseaux d’eau. En février 2003, cinq communes du nord de l’île – Ars-en-Ré, Saint-Clémentdes-Baleines, La Couarde-sur-Mer, Loix et Les Portes-en-Ré – ont signé la Convention de Ramsar, label de reconnaissance attestant de la richesse de cette zone humide et de son importance au plan international.