Maison Côté Ouest

On se souvient de « Fit for a Queen », l’installati­on de Patrick Dougherty mise en place dans les douves du château lors de la 3e édition du Voyage à Nantes. Un labyrinthe végétal dont la fragilité répondait de manière vibrante aux pierres des murs centen

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Les branchages entremêlés semblaient pris dans une danse éternelle, embrassés dans un mouvement perpétuel. On en oubliait presque la nature éphémère d’une oeuvre qui serait, un jour, appelée à disparaîtr­e. Les Nantais en avait fait l’un de leurs repères quotidiens, les enfants s’amusaient dans les percées et les oiseaux, au printemps, y abritaient leurs nids. Deux ans plus tard, la pluie et le vent d’une violente tempête mirent à mal les délicates arabesques et il en fut fini de la forteresse en bois tressé à laquelle tous s’étaient attachés. Telle est la réciprocit­é avec la nature d’installati­ons qu’elle a contribué à créer... puis à reprendre. Parfois plus clémente, elle peut permettre d’ajouter une page à l’histoire initiée quelques années plus tôt. Auteur d’une première installati­on au Tippet Rise Art Center, un parc artistique au coeur du Montana, le sculpteur américain a été invité l’été dernier à la compléter, sept ans plus tard. Une « re-création » difficile car paradoxale pour un homme inspiré par l’éphémère et l’impact visuel immédiat. L’envolée tourbillon­nante, tout en brindilles de saule ramassées dans le parc, de Cursive Takes a Holiday arrime encore plus dans son environnem­ent l’originelle Daydreams, réplique d’une école de la moitié du xixe, typique de l’épopée des pionniers. Comme pour mieux tisser aussi une filiation symbolique entre la mythologie de la conquête de l’Ouest et l’investisse­ment artistique de l’espace naturel. Relier le présent à la mémoire d’un lieu, penser la création à partir des différente­s facettes de l’expérience humaine, le travail de l’artiste rejoint celui de l’architecte et du designer, chargés de s’inscrire dans le réel, l’existant. C’est avec humilité et cette même recherche d’harmonie que le designer Patrick Jouin a dessiné la nouvelle chaise de la salle Ovale de la BNF- Richelieu, ré- ouverte après dix ans de travaux. Produite par la manufactur­e basque Alki, tout en bois et cuir épais, épousant des lignes en continuité et sans arrêtes, « Orria » entre en résonance par son épure cossue, sa discrétion, avec l’espace studieux. Ville d’art et d’histoire depuis vingt ans, Rouen poursuit en douceur la métamorpho­se de ses bords de Seine, entamée il y a une dizaine d’années. Un nouveau visage porté par les hangars reconverti­s, à la silhouette dynamique, en écho avec la ville et son héritage, parmi lesquels se distingue, rive gauche, le 108, siège de la Métropole Rouen Normandie, qui a reçu l’American Architectu­re Prize en 2017. Le bâtiment, facetté d’écailles de verre coloré, joue avec la lumière, les nuances du ciel normand et les reflets de l’eau, évocation contempora­ine des représenta­tions impression­nistes du portail de la cathédrale de Rouen par Claude Monet. Tout autant passerelle entre les époques, l’aître Saint-Maclou, nécropole du xive siècle rénovée il y a deux ans, abrite désormais des galeries d’art et accueille début octobre la première Nuit blanche rouennaise, avec une interpréta­tion digitale et monumental­e du Jardin des délices de Jérôme Bosch. Ou quand l’art, l’architectu­re, le design interrogen­t le temps qui passe.

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