UTOPIE FLORISSANTE
EN RÉACTION À LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE, WILLIAM MORRIS A RÊVÉ ET FABRIQUÉ UN ART DANS TOUT ET POUR TOUS, REDORANT LES SAVOIR- FAIRE DÉCORATIFS. ASSORTIE D’UN CATALOGUE PASSIONNANT, UNE SCÉNOGRAPHIE IMMERSIVE REND GRÂCE À CE DESIGNER TEXTILE, MILITANT SOCIALISTE AUTANT QUE POÈTE, QUI A ENRACINÉ LES ARTS & CRAFTS.
« Toutes les oeuvres de l’homme au milieu desquelles nous vivons et que nous manipulons seront en harmonie avec la nature, seront raisonnables et belles […] ; et chaque homme aura sa part du meilleur… […] C’est vrai, c’est un rêve ; mais des rêves se sont déjà réalisés, des rêves de choses si bonnes et si nécessaires pour nous que nous n’y pensons guère plus qu’à la lumière du jour : bien qu’autrefois les gens aient dû vivre sans elles, sans même en avoir l’espoir. » Lorsqu’il prononce cette conférence, William Morris (1834-1896) a écarté depuis longtemps sa tentation de carrière ecclésiastique pour s’engager dans une voie artistique, à l’instar de son ami le peintre Edward Burne-Jones. Tous deux ont pris cette décision après un voyage en Belgique et en France, qui les laissent béats devant la splendeur des cathédrales gothiques et leur art inspiré des valeurs médiévales. Dès lors, ce visionnaire, précoce dès son enfance au coeur d’une famille aisée, n’aura de cesse de défendre une solidarité humaine, au service de la beauté et de la qualité. Et, en cette année 1877, un nouveau jalon concrétise les aspirations de ce dessinateur, décorateur et entrepreneur, qui s’illustre en parallèle dans la traduction, l’imprimerie, la broderie, sans compter la politique. Il ouvre sur Oxford Street un magasin où sont vendues les productions de sa firme Morris & Co ; des artisans y fabriquent, à leur juste valeur, des papiers peints, des textiles, des meubles, des vitraux comme des céramiques dessinés par les artistes préraphaélites. C’est peu dire que sa réinvention d’un monde vibre avec la même force un siècle et demi plus tard, comme s’enthousiasme Sylvette Botella-Gaudichon, commissaire de l’exposition « William Morris : l’art dans tout ». Le sens du travail, au sein d’un écosystème vertueux pour la société entière, plutôt que la rentabilité économique à tout prix ? Précurseur de la décroissance, même, cet humaniste laisse un héritage au centre de l’actualité.
Son oeuvre, qui a tissé les Arts & Crafts, n’avait jamais été exposée en France : dans le musée d’Art et d’Industrie de
Roubaix, longtemps cataloguée comme la
Manchester du Nord, elle redouble de sens.