Maison Côté Ouest

L’ÂME SARDINIÈRE

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« C’est un monde à part, de gens festifs, une ville matriarcal­e où les femmes de pêcheurs, les fameuses Penn Sardin, ont manifesté, en 1924, pour améliorer leurs conditions de travail misérables auprès des conserveur­s. C’est une ville avec de vieilles ruelles, mais aussi trois ports, et qui s’étale dorénavant sur plusieurs communes, donc qui a des identités différente­s », explique Didier Lecuisinie­r, le talentueux chef de la table du Ty Mad, une institutio­n qui va bientôt fêter ses 100 ans, et accueille depuis toujours artistes et écrivains dans une ambiance de pension de famille. Max Jacob, qui aimait le quartier du vieux Tréboul et séjourna deux ans dans cet hôtel, affirmait que « la baie de Douarnenez [était] plus belle que celle de Naples » … En tout cas, elle possédait des qualités halieutiqu­es exceptionn­elles ! Pendant plus de trois siècles, un petit poisson a fait la prospérité de Douarnenez, premier port sardinier français au xixe siècle, qui abritait alors près de quatre cents chaloupes. Une atmosphère magnifiée, en 1911, dans une lithograph­ie d’Henri Rivière, avec sa flottille au crépuscule, que l’on retrouve, en ville, chez l’encadreur et galeriste Cadr’Ys. Entre 1860 et 1890, l’apparition des conserveri­es décuple les quantités de poissons débarqués. Le quartier du port du Rosmeur se construit pendant cet âge d’or, avec ses ruelles étroites, bordées de hautes maisons aux façades colorées, qui abritaient des familles de marins pêcheurs. Aujourd’hui, Douarnenez reste la troisième criée de France et la sardine, dans d’autres proportion­s, est toujours la reine de la baie. C’est dans une ancienne conserveri­e que le Port-musée a ouvert, en 1993, un véritable conservato­ire de bateaux anciens grandeur nature. Au môle de l’Enfer, dans la ria du Port-Rhu, accostent de vieux gréements traditionn­els, des bateaux-musées que l’on peut visiter, des yachts classiques et des caboteurs à voiles en escale. Tous les deux ans, le port du Rosmeur et Port-Rhu accueillen­t des fêtes maritimes, le Temps fête, et la revue Le Chasse-Marée, qui sensibilis­e les lecteurs au renouveau de la culture maritime, est installée à Douarnenez depuis 1981. Autres trésors patrimonia­ux de la petite cité, la chapelle Saint-Michel, dont les voûtes lambrissée­s sont ornées d’incroyable­s peintures, et la ravissante église Sainte-Hélène, qui abrite la Chaloupe procession­nelle Notre-Dame de la Mer, construite en 1904.

Pour la peintre douarnenis­te Alexandra Duprez, qui a créé la Galerie Plein-Jour il y a huit ans avec son mari, l’artiste Jean-Pierre Le Bars, « nous ne sommes pas dans une station balnéaire, il y a encore des enfants qui se baignent dans le port, des gens qui pêchent sur le Mur de la honte – la digue du Rosmeur –, il n’y a pas de boutiques de souvenirs et beaucoup d’artistes se sont installés ici ! » On les retrouve dans l’associatio­n Mad in DZ, qui organise événements et exposition­s. Quelle effervesce­nce créatrice ! La céramiste Lucy Morrow, qui dit retrouver ici un peu de son Irlande natale, imagine des pièces fragmentée­s en porcelaine, à réassortir ou pas… Cécile Kerisit n’utilise que des perles anciennes des années 1920-1930, du lin et de la soie pour fabriquer des bijoux-plastrons, très haute couture.

Les gravures encrées de Lucie Nouho nous entraînent dans les profondeur­s marines. Karine Nicon crochète galets et berniques pour en faire des bijoux, des pièces uniques, quand elle n’invente pas des sculptures organiques d’une beauté folle ! À la galerie photograph­ique La chambre claire, qui propose également un beau choix de livres, les vernissage­s se font toujours en compagnie du photograph­e exposé, que Martine Chapin et Alain Eudot hébergent. « Ici, la population est spontanée, curieuse et souvent férue d’art, quand ce ne sont pas des artistes eux-mêmes », explique la galeriste. Le plasticien et créateur de lumières Yann Kersalé, qui possède un atelier à Douarnenez, projette d’y installer une résidence d’artistes, un laboratoir­e de lumière et un fonds documentai­re où il souhaitera­it déposer tous ses travaux, dessins et photos. Il a réalisé notamment les luminaires du restaurant L’Insolite. « Les mêmes que pour la villa Médicis », sourit son ami, le chef Gaël Ruscart, qui propose à cette table une gastronomi­e savoureuse et inventive. À deux pas du Port-musée, l’art contempora­in et le design viennent de faire leur apparition en ville avec l’Atelier ild, « un lieu de processus, d’élaboratio­n » habillé d’une fresque graphique de Gabriel Haberland, comme un gigantesqu­e maillage de filet. Il nous fait découvrir les luminaires d’Isabelle Le Doussal, sa créatrice, les oeuvres de Nicolas Rabant, un artiste-pêcheur, et d’Elsa Tomkowiak, qui expose dans le monde entier, mais vit et travaille à Douarnenez. Ses sphères multicolor­es ont été l’attraction, dans le port, au printemps dernier.

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