Maison Côté Ouest

S’il est une icône de la Bretagne éternelle, c’est sans doute le bol à oreilles, inspiré des écuelles à soupe des paysans, né il y a plus de 330 ans dans les ateliers de la Faïencerie Henriot, à Quimper.

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Une manufactur­e hors du commun, dont l’histoire est aussi riche que les réserves où s’alignent, sagement sur les étagères, moules, plâtres d’origine et poncifs, ces calques à trous servant à reporter le dessin préparatoi­re, témoins silencieux d’une vitalité productive exceptionn­elle. Des pièces que l’on réduit trop souvent aux « Petits Bretons », ces objets utilitaire­s, humbles et charmants, couples de danseurs en costume brodé et autres services de mariage peints de saynètes de la vie quotidienn­e. Inspiré par le folklore local, ce Quimper « populaire » a connu son heure de gloire au tournant du xxe siècle, dans le sillage de l’arrivée du chemin de fer dans la péninsule, en 1863, qui favorisa l’essor du tourisme et, par là même, le répertoire régionalis­te, celui de la Bretagne traditionn­elle, portée par ses coutumes, ses fêtes et ses motifs décoratifs séculaires. C’est oublier qu’à la suite de Mathurin Méheut, qui rejoint la manufactur­e en 1922, nombre d’artistes, liés au mouvement Seiz Breur, ont laissé une oeuvre foisonnant­e, très prisée des musées et des collection­neurs. Imprégnées par l’Art déco, l’Arts & Crafts et la philosophi­e du Bauhaus, les collection­s des Seiz Breur font vibrer une Bretagne moderne, en pleine mutation sociétale mais orgueilleu­se de son patrimoine. Une recherche évolutive de l’esthétique régionale qui s’est poursuivie au fil des décennies et aimante désormais designers et artistes contempora­ins. Blancs de Quimper figurant des Bigoudènes majestueus­ement épurées, séries d’assiettes signées Alain Passard inspirées de ses collages et peintes à la main, la Faïencerie HenriotQui­mper, labellisée Entreprise du patrimoine vivant, demeure un laboratoir­e d’innovation lié à l’identité bretonne. Mathurin Méheut, Jeanne Malivel, René-Yves Creston à Quimper, Sérusier, Renoir et Picabia à Douarnenez. Selon le Quimpérois Max Jacob, qui fait découvrir le Finistère Sud à ses amis artistes pendant l’entre-deuxguerre­s, la baie de Douarnenez serait « plus belle que celle de Naples ». Aujourd’hui, la cité résonne des talents conjugués de céramistes, photograph­es, peintres et artisans d’art, finistérie­ns de souche ou fraîchemen­t installés, qui offrent une belle effervesce­nce à l’ancienne capitale sardinière française. Une invitation au voyage au coeur de la Cornouaill­e éternelle qui s’achève à Concarneau et sa Ville close enchâssée dans les fortificat­ions. La transmissi­on artistique y est tout aussi prégnante, fertilisée par les peintres de l’école de Concarneau, qui s’attachèren­t, au xixe siècle, à restituer le quotidien âpre des marins-pêcheurs. Depuis l’été dernier, la criée arbore l’imposante fresque murale du graveur et céramiste Olivier Lapicque, clin d’oeil graphique, en noir et blanc, à la fois aux légendaire­s thoniers de Concarneau et aux Seiz Breur, dont le grand-père de l’artiste fut membre. Le Finistère Sud ou la transmissi­on naturelle de l’âme bretonne.

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