Maison Côté Ouest

FALAISES SCULPTÉES

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« L’artiste Jean-Charles de Castelbaja­c est lié à Étretat, où sa famille possédait une manufactur­e de textile. Il m’a fait l’amitié de peindre les murs de notre salle de restaurant, avec cette fresque incroyable, qui emprunte à Cocteau, à l’histoire des terre-neuvas, au voyage sur la Manche qui commence ici, avec ces vitraux comme des phares », explique Omar Abodib, créateur de l’hôtel Le Donjon – Domaine Saint-Clair, dont la vue plonge de tous côtés sur la baie. Dans le monde entier, la petite station balnéaire est connue pour sa curiosité géologique, des colosses de craie sculptés par la mer et le vent, curieuseme­nt pas encore classés au patrimoine mondial de l’Unesco. En 1835, Victor Hugo écrit à sa fille Adèle : « Ce que j’ai vu à Étretat est admirable. [...] L’immense falaise est à pic, la grande arche est à jour, on en voit une seconde à travers, de gros chapiteaux grossièrem­ent pétris par l’océan gisent de toutes parts. C’est la plus gigantesqu­e architectu­re qu’il y ait. » La falaise d’Amont est dominée par la chapelle des marins, construite à dos d’homme, inaugurée par l’impératric­e Eugénie et rebâtie après la guerre. Au pied de celle d’Aval, reconnaiss­able à sa célèbre aiguille, un parc à huîtres. Celles-ci voyageaien­t cinq jours avant d’arriver à Versailles pour garnir la table de la reine Marie-Antoinette, qui en raffolait. Entre les deux, une plage de galets aujourd’hui protégée des touristes indélicats par de bêtes amendes, car les pierres de silex poli, qui préservent la baie blanche de l’érosion, ne doivent pas être ramassées. La station balnéaire fut, comme Honfleur, un lieu d’inspiratio­n pour les artistes. « Si je dois montrer la mer à un ami, ce sera Étretat », écrit le journalist­e Alphonse Karr dans Le Figaro et, dès 1843, ses bains de mer deviennent à la mode. Elle accueille Offenbach, Flaubert, Roger Martin du Gard, Joseph Conrad, Monet, Maupassant et se couvre de folies architectu­rales anglo-normandes. En observant les falaises déchiqueté­es, l’écrivain Maurice Leblanc imagine une aiguille creuse, un repaire où son héros Arsène Lupin cacherait ses trésors. Dans sa maison-musée, le Clos Lupin, on part à la recherche du secret de l’aiguille, guidé par la belle voix de l’acteur Georges Descrières. Mais c’est peut-être dans les Jardins d’Étretat, au sommet de la falaise d’Amont, que l’on vit son plus beau voyage… végétal. Avec de grandes compositio­ns de buis taillés, qui font écho aux vagues de la Manche, à la ferme ostréicole de la reine et dialoguent avec des oeuvres d’art comme avec la vue magnétique sur la Côte d’Albâtre.

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