Maison Côté Ouest

BERCEAU DES PEINTRES

-

L’ouverture, à l’automne prochain, d’un

chantier-spectacle maritime, dans l’esprit de Guédelon, fait l’événement. On va y reconstrui­re le bateau de Guillaume le Conquérant, la Mora, avec lequel il prit la mer en 1066 pour conquérir l’Angleterre. Si c’est à Barfleur que le navire originel a vu le jour, c’est à Honfleur que la réplique sera édifiée, avec les techniques et gestes du xie siècle. Dans le centre, derrière les façades de briques et les portes cochères, se cachent des établissem­ents intimes et luxueux, comme l’envoûtante Maison de Lucie. Un nouvel hôtel étoilé vient juste d’ouvrir, L’Invitation au Voyage, en hommage au poète Charles Baudelaire. « Mon installati­on à Honfleur a toujours été le plus cher de mes rêves », écrivait-il. Le dernier poème des Fleurs du mal fut composé à Honfleur, dans un deux-pièces mansardé, loué par sa mère. Un voyage inspiré par le vieux port, où se distinguai­ent « les formes élancées des navires, au gréement compliqué ». Aujourd’hui, une douzaine de bateaux de pêche partent taquiner, entre autres, la Saint-Jacques, en baie de Seine. On oublie parfois que le poète était aussi un critique d’art, lié aux impression­nistes, un des premiers à avoir écrit sur les ciels pastel d’Eugène Boudin, en 1859 : « Tous ces nuages aux formes fantastiqu­es et lumineuses, ces ténèbres chaotiques, ces immensités vertes et roses suspendues et ajoutées les unes aux autres, ces fournaises béantes. » Le célèbre peintre est né en 1824 dans le faubourg Saint- Léonard, où se trouvent aujourd’hui le restaurant L’Endroit et la boutique de décoration Villa Gypsy. La cité est bien le berceau de l’impression­nisme, avec ses ciels inspirants, son architectu­re préservée. Eugène Boudin, « le roi des ciels », selon Camille Corot, dont on peut retrouver dixhuit pastels dans l’incontourn­able musée, aimait la lumière évanescent­e de l’estuaire de la Seine et parlait de « ciel moelleux ». Son école est devenue le haut lieu d’une expression nouvelle du paysage, toute de lumière, quittant les sous-bois de Barbizon pour la Côte de Grâce, ouvrant la voie à l’impression­nisme. Honfleur, proche de Paris, concentre l’arrivée des peintres, qui sont accueillis à la ferme Saint-Siméon à partir de 1820. « Le musée Eugène Boudin est le miroir maritime de l’avant-garde picturale qui s’est jouée, sur le littoral, dans la seconde moitié du siècle, où le genre du paysage fut réhabilité, explique son directeur Benjamin Findinier. On quitte les ateliers et la nature devient le véritable maître. »

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France