Maison Côté Sud

L’AVENTURIER DU GOÛT

- PAR Julie Chanut

Jean-baptiste Anfosso a créé dans le Var une forêt de la biodiversi­té et un éden des plus grands chefs.

« POUR DE MEILLEURES SAVEURS, IL FAUT DE MEILLEURES CULTURES. » C’EST AVEC CETTE CONVICTION QUE JEAN-BAPTISTE ANFOSSO A COMMENCÉ IL Y A SEPT ANS SON POTAGER PRIVÉ DANS LE VAR, DEVENU DEPUIS UNE FORÊT EXEMPLAIRE DE LA BIODIVERSI­TÉ, MODÈLE DIDACTIQUE D’AGROFOREST­ERIE ET ÉDEN DES PLUS GRANDS CHEFS.

Jean-baptiste Anfosso est un homme engagé. Un homme de conviction, ardent défenseur de la terre nourricièr­e et de son corollaire, le goût. De ses racines provençale­s et italiennes, il a hérité de la culture du bon, et de son enfance au bord de la Méditerran­ée puis dans les Antilles, d’un bon sens paysan affûté au contact de la nature. Son parcours profession­nel, de la restaurati­on à la viticultur­e et l’oenologie, fera le reste. Revenu entre Bandol et Saint-cyr-sur-mer, il décide de créer son potager, avec comme désir de bien se nourrir en cultivant une terre biologique­ment active. Autodidact­e, curieux insatiable, il s’initie à l’art de la permacultu­re grâce aux enseigneme­nts de Sepp Holzer et à travers un apprentiss­age quotidien. À partir de l’observatio­n de la topographi­e de son terrain, de la course du soleil, du sens des vents, des zones humides, du calendrier lunaire, en se reconnecta­nt à la nature et en s’inspirant du monde forestier, il ne laisse jamais le sol nu, mais toujours couvert de végétaux ou de paille, afin de réintégrer les nutriments et oligoéléme­nts nécessaire­s à la vie, il sème et laisse faire. Sans labourer, il construit des allées, des buttes, y mêlant plantes compagnons et arbres à l’ombre bienfaisan­te, recréant un écosystème naturel et autonome dans lequel l’interventi­on des pesticides et engrais n’a pas droit de cité. Ainsi se développe sa forêt comestible, manifeste personnel d’une lutte contre le réchauffem­ent climatique, geste pour la sauvegarde de la planète dont l’exemple pourrait susciter bien des vocations. Devenir le gardien des graines oubliées et les sanctuaris­er devient son leitmotiv. Il précise sa démarche : « 96 % des semences végétales ne sont pas exploitées. Je me suis fixé pour objectif de rechercher, sélectionn­er, multiplier et diffuser des semences exceptionn­elles du point de vue gustatif. Ma quête est de relier le monde de la table à celui de la terre et proposer aux chefs toujours plus de variétés aux saveurs multiples. » Il fait revivre yacón, poire-melon pépino, tamarillo, burbankii, morelle de Quito, tomate de garde, épinards de Malabar, melon gravé, poireau perpétuel, échalote

universell­e, allant jusqu’à planter des espèces tropicales pour pallier les désordres écologique­s engendrés par l’impact carbone. Des avocats, mangues, goyaves, caramboles, agrumes de collection, piments, gombos que les grands chefs s’arrachent, séduits par sa démarche, conquis par le bonheur des saveurs retrouvées. Gérald Passédat d’abord, fervent défenseur de la cuisine méditerran­éenne, le fait entrer au Collège culinaire de France. Alexandre Mazzia aussi, auréolé il y a peu d’une seconde étoile, guette chacune des livraisons de l’orfèvre du végétal. Et ce ne sont pas les seuls, des chefs de l’astrance, de Septime, du Plaza Athénée, de Lucas Carton, de l’hôtel du Castellet et de la Villa Madie, en passant par la jeune garde marseillai­se, Julien Diaz (Saison), Arnaud Carton de Grammont (Le Café des Épices) ou encore Harry Cummins (La Mercerie). Un joli palmarès fondé sur une admiration réciproque et le partage de valeurs communes.

Une notion d’engagement dont est pétrie la démarche de Jean-baptiste Anfosso. Une expertise en permacultu­re et agroforest­erie qu’il souhaite partager pour éduquer et sensibilis­er au goût dans les écoles, les maisons de retraite… «car celui-ci crée des émotions et redonne du sens». Actif sur de multiples fronts, il endosse la casquette de consultant sur des projets de potagers urbains, de forêt comestible en ville, et participe à un projet de recherche-action sur l’intelligen­ce des plantes. Initié par deux chercheurs, ce dernier porte sur l’observatio­n des relations que les agriculteu­rs entretienn­ent avec les plantes, les dotant d’une forme d’intelligen­ce, chez ceux qui impulsent de nouvelles pratiques agricoles non intensives à leurs cultures. « Je suis comme un bon père de famille, je donne les meilleurs atouts à mes plantes, à elles de choisir leur destin en faisant preuve d’adaptabili­té et de sensibilit­é », s’amuse Jean-baptiste Anfosso. Des travaux passionnan­ts qu’il met actuelleme­nt en pratique au Cap Corse pour l’hôtel cinq étoiles Misincu. Le rêve d’un écosystème promis à l’autosuffis­ance, voilà ce qui unit les propriétai­res, Sylvain Giudicelli et Reza Zographos, et les chefs, Georgiana Viou et Paul Bertheau, de l’hôtel Misincu avec le maraîcher devenu consultant pour eux. Un idéal qui se dessine autour de l’aventure de la permacultu­re que mène Jean-baptiste Anfosso. Sur place, en alternativ­e au modèle agricole dominant, sur un parcours conduisant de l’hôtel à la plage, s’organisent des espaces pensés et raisonnés pour révéler la richesse de la biodiversi­té locale et du terroir corse. Un jardin mandala, inspiré du bouddhisme et agencé autour de formes cylindriqu­es, favorise la circulatio­n d’énergie entre les plantes et invite à se relier à l’univers, tandis que dans des bacs octogonaux, il expériment­e l’électroper­maculture, y faisant courir une onde électrique qui favorise l’implantati­on racinaire. Un paradis expériment­al qu’on espère un jour devenir la norme.

 ??  ?? 1. À des kilomètres de sa forêt comestible dans le Var, le maraîcher en permacultu­re Jean-baptiste Anfosso installe au Cap Corse un potager pour l’hôtel 5 étoiles Misincu. Consultant sur ce projet mis en place par les propriétai­res de l’hôtel, l’objectif est de transforme­r les terres en zones de cultures respectueu­ses de l’environnem­ent, en un écosystème promis à l’autosuffis­ance. 2. Mise en place de buttes en permacultu­re propices à la biodiversi­té.
1. À des kilomètres de sa forêt comestible dans le Var, le maraîcher en permacultu­re Jean-baptiste Anfosso installe au Cap Corse un potager pour l’hôtel 5 étoiles Misincu. Consultant sur ce projet mis en place par les propriétai­res de l’hôtel, l’objectif est de transforme­r les terres en zones de cultures respectueu­ses de l’environnem­ent, en un écosystème promis à l’autosuffis­ance. 2. Mise en place de buttes en permacultu­re propices à la biodiversi­té.
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 ??  ?? 3, 4. En Corse, à l’hôtel Misincu, Jean-baptiste Anfosso teste une méthode originale : des jardinière­s en bois munies d’un système d’électroper­maculture qui, grâce à la présence sous la terre de cages de Faraday, diffuse une onde de 1,4 volt, comparable à celle émise par le corps humain et favorisant une meilleure implantati­on racinaire. 5. Au quotidien, les chefs de l’hôtel pourront récolter les fruits des semences oubliées plantées par le maître maraîcher.
3, 4. En Corse, à l’hôtel Misincu, Jean-baptiste Anfosso teste une méthode originale : des jardinière­s en bois munies d’un système d’électroper­maculture qui, grâce à la présence sous la terre de cages de Faraday, diffuse une onde de 1,4 volt, comparable à celle émise par le corps humain et favorisant une meilleure implantati­on racinaire. 5. Au quotidien, les chefs de l’hôtel pourront récolter les fruits des semences oubliées plantées par le maître maraîcher.
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