RIVIERA MODERNISTE
À Villefranche-sur-mer, la rénovation de l’hôtel Versailles rend hommage à la Riviera d’autrefois.
Suspendu sur la rade de Villefranche, l’hôtel Versailles entame sa mue générationnelle. Petit-fils d’hôteliers et designer d’intérieur, Nicolas Duchateau y vit l’architecture des sixties comme une seconde nature. Sa rénovation vivifiante et essentielle rend hommage à l’esprit moderniste de la Riviera d’autrefois. PAR PHOTOS
Àquelques kilomètres de Nice, Villefranche-sur-mer est un îlot niché entre terre et mer. Dans son anse de bougainvilliers, la petite ville rouge et ocre s’étire au soleil. Sa citadelle monumentale, ses églises, la chapelle Saintpierre décorée par Jean Cocteau, le port de plaisance de la Darse ont su préserver une douceur de vivre typique de la Riviera d’autrefois. Lorsque, dans les années 1960, on y construit l’hôtel Versailles, le projet semble strict et sévère. Pourtant, sous l’apparente rigueur de sa géométrie rectiligne, l’aventure est radieuse. Elle n’est pas sans rappeler un certain Le Corbusier, dont la radicalité s’harmonise à hauteur d’homme pour enraciner les rythmes de la modernité. Adossé à la colline, avec une vue sur la rade d’une beauté quasi insolente, l’hôtel épouse le ciel et la mer. Tandis que sa famille l’exploite depuis deux générations, Nicolas Duchateau s’imprègne d’architecture dans le tracé régulier des espaces et des couloirs où il a grandi. En fin observateur, il ne résiste pas à l’attrait des matériaux, à la vibration du bâti, aux savoir-faire artisanaux. Sur ce paquebot ancré sur la colline, tout lui paraît simple, limpide. Les proportions sont justes. Toutes les chambres sont identiques, tournées vers la mer et prolongées par une terrasse. L’idée de vacances sur la Côte d’azur se nourrit d’une expérience de l’architecture ou l’économie de moyens décuple la valeur du plaisir. Plus tard, devenu designer d’intérieur, lorsqu’il entreprend la rénovation de l’hôtel, il s’empare de sa composante graphique avec délice. Il habille les balcons de rayures, souligne de traits noir et blanc le sol des chambres, ainsi que les matelas bains de soleil autour de la piscine. Il s’attache à retrouver la palette réduite de couleurs des années 1960 en jouant sur des codes simples : bleu, jaune, bois. Pour redonner ses lettres de noblesse au Versailles, se réapproprier les matériaux d’époque et les traces d’origine est un chemin essentiel. Les espaces rénovés entrent aussitôt en résonance avec cette notion de plaisir balnéaire sobre et fonctionnel, qui nous évoque Le Cabanon de Le Corbusier ou l’épure d’eileen Gray à la villa E1027 toute proche. Vivre le chemin de la modernité à rebours devient une évidence. Le luxe est bien celui de l’espace ouvert, de la vue, d’une mer si présente et pourtant fantasmée qu’il faut aller la cueillir, là, dans la rade, au bas de la colline. Dans ce terrain de jeu grandeur nature, Nicolas Duchateau cultive sa passion pour l’architecture et le design pour en faire un métier. De la Riviera à Doha, ses chantiers reflètent cet exercice du regard ancré au sud de la modernité.