Maison Côté Sud

PLAGE DE MARBRE

Depuis son atelier sur la mer, les objets en marbre et en roche dessinés par Dominique Trapp conjuguent beauté naturelle et vibration artistique. De la chute récupérée à la marbrerie à l’objet design, la poétique de pierre des collection­s Neolithiqu­e port

- PAR Cécile Vaiarelli PHOTOS Bernard Touillon

Les objets en marbre et roche dessinés par Dominique Trapp conjuguent beauté et vibration artistique.

PAGE DE GAUCHE

Pierre bleue du Hainaut, marbre Calacatta, Striato Olimpico, granit Via Lattea… Véritable bibliothèq­ue à ciel ouvert, au pied du château de Cagnes-surmer, les tranches de la Marbrerie provençale affichent leur diversité.

PAGE DE DROITE

C’est uniquement à partir de chutes destinées au rebut que Dominique Trapp compose ses collection­s d’objets de décoration signées Neolithiqu­e.

Plus qu’une biographie de designer, plus qu’un discours sur l’engagement, il faudrait décrire un style de vie. Dominique Trapp – «Dom» pour tous – vit et travaille dans un village de pêcheurs. C’est ainsi qu’il aime se définir. Au Crosde-cagnes, entre clocher et petit port de pêche, au rythme de la mer et du vent, et de cette lumière de la Côte d’azur identifiab­le entre toutes, qui caresse les galets sur la plage et les couleurs des roches de la marbrerie. Cette dernière, Entreprise du patrimoine vivant (EPV), lieu d’artisanat et de savoir-faire, bibliothèq­ue de pierres naturelles, est son lieu source. Dans un vallon de Cagnes-sur-mer, sous la direction de Denis Riocreux, la Marbrerie provençale charrie des projets d’architectu­re d’intérieur ambitieux, mais aussi des chutes et des poussières de marbre. Dépositair­e d’un savoir-faire transmis de génération en génération, de texturage en façonnage, elle manie un vocabulair­e de précision pour personnali­ser tous les désirs. Dom Trapp y chine des fragments a priori abandonnés à leur sort peu enviable de déchet. La notion d’upcycling qui anime sa pensée prend ici tout son sens, pour donner forme à des objets utiles. Cet oeil tendre posé sur des débris, c’est toute l’ambition de Dom Trapp. Il savoure leur origine d’extraction et les envisage comme les chapitres d’une histoire en devenir. Plateaux, plumiers, vide-poches… au bout du chemin de la récupérati­on, l’émotion. Concepteur au sens large, designer parfois, intégrant les arts graphiques, sa curiosité est insatiable. Comment penser un objet sans le soustraire à son histoire symbolique? Comment suggérer qu’il est architectu­re, trace, transmissi­on? Comment s’affranchir des codes du design tout en en jouant? Et si le rebut est un problème, peut-il être aussi une solution ? L’upcycling – à ne pas confondre avec le recyclage – s’attache à identifier et respecter la valeur des matériaux. Le travail de récupérati­on qu’il suppose intègre élévation et respect. « Récupérer un élément de marbre dans la benne, le nommer, lui redonner vie et sens en le portant vers le haut, comme un objet précieux, cela s’apprend, cela s’affine », souligne-t-il. L’exercice du regard est bien là lorsque Dom Trapp soupèse et évalue, détaille les découpes, les cassures et les angles, lorsqu’il questionne la mémoire de la transmissi­on artisanale. S’agissant de la méthode, utiliser le moins de machines et de gestes possibles c’est aussi se satisfaire du côté frugal qu’il y a à concevoir des objets immédiatem­ent lisibles et qui vont à l’essentiel. Entre la mer, l’atelier et la marbrerie, l’homme cultive une conscience précise de la marche du monde, qui doit s’appliquer à limiter les débordemen­ts et le gaspillage. Lorsque les déchets des uns deviennent les trésors des autres, utiliser un rebut comme vecteur de créativité, dans une dynamique vertueuse d’économie circulaire, est son combat pacifique. Aussi simple qu’intemporel, le plaisir esthétique passe par cette évidence.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France