EN QUÊTE D’IMPRÉVU
Le céramiste Pierre Casenove expose à la Villa Benkemoun, chef-d’oeuvre des années 1970.
PERSUADÉ QUE TOUTE BEAUTÉ EST IMPARFAITE, LE CÉRAMISTE PIERRE CASENOVE ENTRETIENT AVEC LA TERRE UN RAPPORT PÉTRI D’HUMILITÉ ET DE PASSION. INVITÉ À EXPOSER À LA VILLA BENKEMOUN, CHEF-D’OEUVRE ARCHITECTURAL TYPIQUE DES ANNÉES 1970, IL RETROUVE AVEC BONHEUR LE CHEMIN D’ARLES, OÙ IL RÉAPPARAÎT TEL « UN REVENANT ».
Pierre Casenove parle de la terre comme d’une partenaire à part entière. « J’aime travailler avec elle sans la contraindre. Mon plus grand plaisir, c’est quand on arrive à faire ensemble des choses qui m’étonnent », explique le grand céramiste. Sa rencontre avec l’argile, il l’a vécue dans les années 1960 au village de La Borne, berceau de l’art potier, au coeur du Berry. Il poursuit depuis son dialogue avec ce matériau « terriblement exigeant », se considérant toujours, après cinquante ans de métier, comme un apprenti. L’imprévu, l’accident, la surprise générés par la cuisson au four anagama sont les ressorts de son infatigable quête. « Si vous enfournez un pot de terre et que pendant la cuisson il lui pousse des branches et des feuilles, cela n’étonnera que vous ! Les potiers savent que dans un four tout est possible. » Pierre Casenove vient d’être invité par Brigitte Benkemoun et son époux, Thierry Demaizière, à exposer à la Villa Benkemoun, conçue en 1974 par l’architecte arlésien Émile Sala pour les parents de Brigitte, Pierre et Simone. Une exposition placée sous le signe de la coïncidence : natif de Céret, nourri par les légendes de Picasso et Soutine, Pierre Casenove considère Arles comme sa deuxième ville de naissance, pour y avoir vécu, dans les années 1980, de puissantes expériences esthétiques et amicales. Le confinement lui a fourni une parenthèse de travail idéale. « L’imaginaire arlésien a dû hanter mon inconscient, car lorsque mes coupes ont surgi du four, elles m’ont fait penser aux Arènes. De même, certaines plaques murales en céramique évoquent irrésistiblement les parures tauromachiques, si lourdes mais si légèrement portées… » Grands vases, lampes et totems parsèment ainsi le décor de cette maison remarquable, labellisée Patrimoine du XXE siècle. Ils y créent un dialogue inédit entre deux courants fondateurs des années 1970 : l’idéal hippie prônant ruralité et simplicité, dans lequel s’inscrivait à l’époque le jeune artiste, et le mouvement progressiste basé sur l’idée de modernité, dont la Villa Benkemoun demeure une sorte de manifeste.
« COÏNCIDENCES »
—
Par Pierre Casenove, à la Villa Benkemoun, jusqu’au 8 juin.