PORTO-VECCHIO
LA CORSE AU NATUREL
UNE IRRÉALITÉ BIEN RÉELLE. L’ÎLE INVITE À DILATER LE TEMPS, À PRENDRE LE MAQUIS, À LARGUER LES AMARRES ET À RENCONTRER SES FEMMES ET SES HOMMES QUI, DE TOUTES LES GÉNÉRATIONS, L’ONT PROTÉGÉE, DÉFENDUE. PLUS QU’UN VOYAGE, UNE LEÇON DE VIE, UNE INCITATION À RELIRE LE MONDE. DIFFÉREMMENT, AVEC LA CONSCIENCE AIGUË DE SES TRÉSORS. CETTE TERRE, TOUTE EN STRATES ET EN RELIEFS, SCULPTÉE PAR LA MER ET LES VENTS, GAGNE ENCORE EN DENSITÉ ENTRE LES MAINS DE SES HABITANTS. ARCHITECTES, VIGNERONS, BERGERS, ARTISANS, CHEFS, HÔTELIERS… TOUS CES ACTEURS LA SUBLIMENT ET LA PARTAGENT LE TEMPS D’UN ÉTÉ, OU PLUS SI SINCÈRES AFFINITÉS.
Côté Porto-vecchio, la cité du sel et ses marais salants capturant les nuages, ses plages de sable blond et fin à perte de vue, Palombaggia, Rondinara, Santa Giulia… Des horizons en dégradés azur, le golfe, immense, profond, mariant les roches rouges à la pierre granitique, dans le creux de la chaîne montagneuse, arête dorsale de la Corse, tout invite à ouvrir l’oeil plus grand. Avec la participation entière des cinq sens, dirait Stéphane Rogliano, éleveur-défenseur des végétaux endémiques – plus de trois cents sur l’île –, qu’il s’attache à multiplier en les cultivant. Il incite à les caresser, thym de la montagne (erba barona), santoline corse… « Être tout le temps dans ces senteurs, vous maintient en bonne santé, vous ressentez une force.», complète-t-il. Idem pour les immortelles fraîchement récoltées et distillées immédiatement par Pierre-paul Nicolaï. « Quand on les respire, on est connecté.» Le rapport avec le paysage est organique. Dans les pieve (vallées) de Figari, ondulent les vignes, paissent les brebis et mûrissent les olives. Des éleveurs, des viticulteurs, restaurent des bergeries ou d’anciens bâtiments liés à la production, les transformant en habitations saisonnières, afin de placer l’invité de passage en son coeur, qu’il en perçoive la beauté, singulière et plurielle, d’où découlera la bonté. À distance du tourisme côtier, ces hommes de Figari façonnent les paysages et perpétuent des savoir-faire traditionnels: vendanges manuelles, tommes pressées à la main, extraction à froid des huiles. Les architectes repensent totalement les lieux de villégiature qui mutent en lieux de vie, hôtels comme maisons, dans une approche vernaculaire et naturaliste. Puis, l’histoire prend la forme d’un manuel de résistance. La Corse se lit à la lumière de ses conflits et de ses combats. « Si on n’a pas de racines, la mondialisation donne un encéphalogramme plat », alerte Paul Poli, guide de moyennes montagnes et conférencier. Les falaises de Bonifacio, dues à une frasque géologique, l’affleurement d’un plateau calcaire au coeur d’un univers granitique, striées, ridées racontent leur passé grec, pisan, génois. Elles délivrent encore aujourd’hui leurs secrets. Le fameux escalier du roy d’aragon, creusé à mains d’homme à même la roche, servait, non à amener à un puits d’eau douce, mais de voie de ravitaillement en cas de siège, révèle Alain Di Meglio, auteur, enseignant à l’université de Corte et en charge du patrimoine auprès de la ville. «Bonifacio est très différente de Porto-vecchio. Elle est historiquement la première ville corse, le premier préside génois avec sa citadelle, dès la fin du 1er millénaire. Porto-vecchio était une terre de transhumance de l’alta Rocca, Bonifacio est isolée du territoire des hautes plaines, son rôle était de surveiller ses bouches, intense lieu de flux maritimes. » Elle représente aujourd’hui 10% du patrimoine corse. Bien sûr la citadelle, la montée pavée Saintroch, la porte de Gênes qui est l’entrée dans la ville haute perchée, les trente chapelles, l’église Saint-dominique, l’ancien couvent aujourd’hui mairie. Prochain projet : les casernes en site multiculturel. « Le sentiment patrimonial, national se traduit aussi par un réflexe de défense écologique », souligne encore Alain Di Meglio. La Corse se préserve et se mérite, aucune autoroute sur son sol. Culture et nature ne font qu’un, dans la pluralité des paysages, uniques de l’extrême sud, aux lueurs fauves.