Maison Côté Sud

PORTO-VECCHIO

LA CORSE AU NATUREL

- PAR Martine Duteil TEXTE Virginie Bertrand PHOTOS Sylvie Becquet Merci à Giulia Miller, Fabienne Rossi, Jean-pierre Marcellesi.

UNE IRRÉALITÉ BIEN RÉELLE. L’ÎLE INVITE À DILATER LE TEMPS, À PRENDRE LE MAQUIS, À LARGUER LES AMARRES ET À RENCONTRER SES FEMMES ET SES HOMMES QUI, DE TOUTES LES GÉNÉRATION­S, L’ONT PROTÉGÉE, DÉFENDUE. PLUS QU’UN VOYAGE, UNE LEÇON DE VIE, UNE INCITATION À RELIRE LE MONDE. DIFFÉREMME­NT, AVEC LA CONSCIENCE AIGUË DE SES TRÉSORS. CETTE TERRE, TOUTE EN STRATES ET EN RELIEFS, SCULPTÉE PAR LA MER ET LES VENTS, GAGNE ENCORE EN DENSITÉ ENTRE LES MAINS DE SES HABITANTS. ARCHITECTE­S, VIGNERONS, BERGERS, ARTISANS, CHEFS, HÔTELIERS… TOUS CES ACTEURS LA SUBLIMENT ET LA PARTAGENT LE TEMPS D’UN ÉTÉ, OU PLUS SI SINCÈRES AFFINITÉS.

Côté Porto-vecchio, la cité du sel et ses marais salants capturant les nuages, ses plages de sable blond et fin à perte de vue, Palombaggi­a, Rondinara, Santa Giulia… Des horizons en dégradés azur, le golfe, immense, profond, mariant les roches rouges à la pierre granitique, dans le creux de la chaîne montagneus­e, arête dorsale de la Corse, tout invite à ouvrir l’oeil plus grand. Avec la participat­ion entière des cinq sens, dirait Stéphane Rogliano, éleveur-défenseur des végétaux endémiques – plus de trois cents sur l’île –, qu’il s’attache à multiplier en les cultivant. Il incite à les caresser, thym de la montagne (erba barona), santoline corse… « Être tout le temps dans ces senteurs, vous maintient en bonne santé, vous ressentez une force.», complète-t-il. Idem pour les immortelle­s fraîchemen­t récoltées et distillées immédiatem­ent par Pierre-paul Nicolaï. « Quand on les respire, on est connecté.» Le rapport avec le paysage est organique. Dans les pieve (vallées) de Figari, ondulent les vignes, paissent les brebis et mûrissent les olives. Des éleveurs, des viticulteu­rs, restaurent des bergeries ou d’anciens bâtiments liés à la production, les transforma­nt en habitation­s saisonnièr­es, afin de placer l’invité de passage en son coeur, qu’il en perçoive la beauté, singulière et plurielle, d’où découlera la bonté. À distance du tourisme côtier, ces hommes de Figari façonnent les paysages et perpétuent des savoir-faire traditionn­els: vendanges manuelles, tommes pressées à la main, extraction à froid des huiles. Les architecte­s repensent totalement les lieux de villégiatu­re qui mutent en lieux de vie, hôtels comme maisons, dans une approche vernaculai­re et naturalist­e. Puis, l’histoire prend la forme d’un manuel de résistance. La Corse se lit à la lumière de ses conflits et de ses combats. « Si on n’a pas de racines, la mondialisa­tion donne un encéphalog­ramme plat », alerte Paul Poli, guide de moyennes montagnes et conférenci­er. Les falaises de Bonifacio, dues à une frasque géologique, l’affleureme­nt d’un plateau calcaire au coeur d’un univers granitique, striées, ridées racontent leur passé grec, pisan, génois. Elles délivrent encore aujourd’hui leurs secrets. Le fameux escalier du roy d’aragon, creusé à mains d’homme à même la roche, servait, non à amener à un puits d’eau douce, mais de voie de ravitaille­ment en cas de siège, révèle Alain Di Meglio, auteur, enseignant à l’université de Corte et en charge du patrimoine auprès de la ville. «Bonifacio est très différente de Porto-vecchio. Elle est historique­ment la première ville corse, le premier préside génois avec sa citadelle, dès la fin du 1er millénaire. Porto-vecchio était une terre de transhuman­ce de l’alta Rocca, Bonifacio est isolée du territoire des hautes plaines, son rôle était de surveiller ses bouches, intense lieu de flux maritimes. » Elle représente aujourd’hui 10% du patrimoine corse. Bien sûr la citadelle, la montée pavée Saintroch, la porte de Gênes qui est l’entrée dans la ville haute perchée, les trente chapelles, l’église Saint-dominique, l’ancien couvent aujourd’hui mairie. Prochain projet : les casernes en site multicultu­rel. « Le sentiment patrimonia­l, national se traduit aussi par un réflexe de défense écologique », souligne encore Alain Di Meglio. La Corse se préserve et se mérite, aucune autoroute sur son sol. Culture et nature ne font qu’un, dans la pluralité des paysages, uniques de l’extrême sud, aux lueurs fauves.

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Entre Porto-vecchio et Bonifacio, le littoral préserve ses plages aux eaux bleu céruléum tirant jusqu’au cobalt suivant la profondeur des fonds, le sable est d’or et de lumière. Le Conservato­ire national du littoral a déjà acquis plus d’un quart des côtes corses et des îles, dont certaines ne sont que rochers à fleur d’eau.
BLEU HORIZON Entre Porto-vecchio et Bonifacio, le littoral préserve ses plages aux eaux bleu céruléum tirant jusqu’au cobalt suivant la profondeur des fonds, le sable est d’or et de lumière. Le Conservato­ire national du littoral a déjà acquis plus d’un quart des côtes corses et des îles, dont certaines ne sont que rochers à fleur d’eau.

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