Maison Côté Sud

L’ANTRE DU CRÉATEUR

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Devant son atelier à l’arrière de sa maison, l’artiste basque Zigor déclare tout y faire, « même la sieste ».

Il est ici entouré de deux sculptures, à gauche, Kerne IV en sycomore, totem de formes juxtaposée­s semblant tenir comme par magie, et à droite,

Hega XI-LE vol en chêne vert. À l’étage, les premières sculptures sont entreposée­s.

Une cosmogonie est un récit mythologiq­ue qui décrit ou explique la formation du monde. Elle se distingue de la cosmologie, qui est la science des lois générales par lesquelles le monde physique est gouverné. » Kepa Akixo, alias Zigor, le fouet en basque, surnom qu’il acquiert en tant que militant pour un pays libre en pleine période franquiste, semble conjuguer les deux dans sa démarche artistique. D’un côté, les mystères des peintures pariétales, les traces laissées par les hommes et femmes il y a plus de 45000 ans, le poussent à explorer et formuler ses propres signes ; de l’autre, l’observatio­n des phénomènes physiques du vivant, éternellem­ent en mouvement, l’inspire. Ses totems en bois de platane ou de chêne, où chaque pièce se juxtapose à l’autre, sans vis, ni colle, rappellent l’équilibre des rochers amoncelés, et plus largement la perfection de l’orchestrat­ion de la nature. « Elle est un bricolage magistral, que je nomme chaos, se réorganisa­nt sans cesse. L’érosion des falaises de la côte basque donnera de nouveaux paysages, qui à leur tour, révéleront une autre beauté. Quand j’étais jeune, je voyais la sculpture à l’intérieur de l’arbre. Et je la réalisais, comme ça, sans être passé par le crayon. Aujourd’hui, je remplis des carnets, je communique avec l’immensité de la nature. Le dessin m’apporte un bonheur contemplat­if.» Sur les murs blanchis de l’atelier, des croquis, des esquisses au brou de noix, sont éparpillés, sur le bureau, des livres annotés, et au bord de l’immense verrière, les premiers travaux veillent. « Je ne copie pas ce que j’ai dans mes cahiers. Je commence à inventer. Dans mon atelier, je plante. J’ordonne le chaos, un peu autrement. Une forme a besoin d’être soutenue par la suivante. Je la travaille dans la masse, à la tronçonneu­se, puis plus précisémen­t, plus délicateme­nt, à l’écoute de l’accident qui est le compagnon le plus fréquent de la création. Il guide, comme le doute. Je sculpte comme je prie. » Entré au petit séminaire de Saturraran à 11 ans, il découvre les textes sacrés et l’océan qui marqueront son parcours d’autodidact­e. Il devient ensuite ajusteur-tourneur et roi de la pelote basque puis photograph­e pour l’agence Capa. Il parcourt le monde jusqu’en 1982, appareil à la main, avant de le délaisser pour la sculpture. La dextérité du geste de l’ancien artisan et sportif permet la monumental­ité de ses pièces. Elles parlent de la terre, de l’air, de l’eau, du feu et se jouent de la lumière. « Pour les Basques, il n’y a pas de mythologie créative, ni dieu, ni héros, il n’est question que de lieu. » Quand il renoue avec la pratique photograph­ique, il est aussi question des éléments. Elles témoignent de l’instant précis où pointe l’aube. « Le jour commence dans l’obscurité, cette lueur naissante, encore grise, est celle d’une espérance nouvelle. Que tout recommence. » Face à la faillite des idéaux séculiers, il dessine un nouvel horizon métaphysiq­ue et s’inscrit dans le sillage de Nestor Basterretx­ea d’eduardo Chillida, de Jorge Oteiza, de Remigio Mendiburu. Exposition « Zigor Egu Iturria-la Lumière Source», jusqu’au 29 août. Le Bellevue, place Bellevue, 64200 Biarritz. Tél. 05 59 01 59 20 et zigor-art.com

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