Sarah Poniatowski, fondatrice de Maison Sarah Lavoine
Projets privés, hôtels, restaurants, mobilier, objets de décoration… Jamais à court d’inspiration, la créatrice parisienne travaille tous azimuts, en France et à l’étranger. Dernier projet en date : Tuileries, une collection imaginée avec Le Louvre, ponctuée de son fameux Bleu Sarah, qui apporte une note de profondeur et de gaité à tout ce qu’il touche. Tout comme elle !
Comment êtes-vous devenue designer et décoratrice d’intérieur ?
Assez naturellement : ma mère exerçait ce métier et j’ai toujours baigné dans cet univers. J’adorais les maisons, faire et défaire, tout transformer, d’une façon un peu névrotique… Alors, autant le faire pour les autres. Un jour, je l’ai appelée pour lui demander de travailler avec elle. Pour calmer ma névrose. [Rires.]
Que vous a transmis votre mère ?
Beaucoup de choses… Elle m’a appris à mélanger les styles et les époques, et m’a enseigné l’art de travailler sur les tissus, les teintures murales. Ma mère m’a surtout appris à être capable de maîtriser les chantiers et à m’imposer dans ce milieu d’hommes.
Que préférez-vous dans votre travail ?
Ce que j’aime, c’est que ce soit chaque fois une nouvelle aventure, une nouvelle occasion de me réinventer, sans m’enfermer dans un style ou dans mon style. Et puis, il s’agit avant tout d’aventures humaines vécues sur un temps long, dans le respect d’un lieu et de l’âme des
personnes qui me sollicitent. J’aime échanger avec mes clients, entrer dans leur intimité… C’est un métier très psychologique, en fait ! [Rires.]
Vous souvenez-vous de votre premier projet de décoration d’intérieur ?
Oui, c’était en 2002, une très belle maison, rue Mouffetard à Paris, au fond d’une cour. C’était un projet pour des gens qui avaient beaucoup de goût, beaucoup de connaissances en architecture et en décoration ; qui avaient envie de faire de belles choses avec de bons artisans. C’était très intéressant, très beau. Je l’adore encore ce projet ! Un projet, c’est comme une histoire d’amour.
Et du premier objet que vous avez désigné ?
Un canapé, je pense… Je ne sais plus, nous en avons tellement imaginé !
Qu’est-ce qui définit la Maison Sarah Lavoine ?
Sa sincérité, son authenticité. Tout est créé dans une approche globale qui nourrit chaque projet, chaque objet, avec beaucoup de cohérence et de passion. Toutes les créations Maison Sarah Lavoine font partie de ma vie. Je serai incapable d’aller trop à l’opposé de ce que je suis.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Elles sont multiples ! Je travaille de façon très spontanée. Je suis très curieuse, je me nourris de voyages, d’images, de films, d’acteurs… Tout m’inspire ! D’ailleurs, en ce moment, c’est plus compliqué… Un tableau dans un film peut m’inspirer une moquette, par exemple. Ou la couleur du manteau d’une femme dans la rue peut me donner l’idée d’une collection autour de cette couleur.
Vous incarnez le chic parisien. Mais le « chic parisien », qu’est-ce c’est?
Une liberté assumée dans sa simplicité. Je n’aime pas les choses ostentatoires, j’aime la folie, mais mesurée quand même. [Rires.]
« Ce qui compte le plus dans l’aménagement d’un intérieur, c’est que la personne qui y vit s’y sente heureuse »
« La foyer est devenu une valeur refuge, les clients ont envie d’être mieux chez eux, de créer un espace confortable de travail à la maison »
Pourquoi avoir eu besoin ou envie de créer vos propres meubles et couleurs ?
C’est venu assez naturellement. C’est passionnant et amusant de créer des choses. Je pourrais tout le temps créer de nouvelles choses, j’adore ça ! Quand un prototype arrive et que nous avons trouvé le bon artisan pour le fabriquer, c’est vraiment passionnant. J’ai beaucoup de chance, on peut s’amuser à faire plein de choses dans l’univers de la maison, c’est un champ énorme de création.
Vous avez créé votre couleur, le Bleu Sarah, quelle est sa particularité ?
C’est un bleu qui n’est ni bleu ni vert, qui change beaucoup en fonction de la lumière naturelle, du support sur lequel il est apposé (mat, velours, bois laqué). C’est un bleu rassurant, très profond. C’est quelqu’un avec qui il fait bon vivre !
Avec quelle couleur peut-on l’associer ?
Franchement, le Bleu Sarah peut être associé à beaucoup de couleurs. Je l’adore avec du noir et du blanc. Il est très chaleureux avec d’autres bleus aussi. Il rend chic les autres couleurs. Il les sublime.
Le noir est également très présent dans vos réalisations…
Le noir aussi est parfait pour cacher ou mettre en valeur. Pour surligner ou détourer par petites touches. Il est très utile, comme le blanc d’ailleurs.
Quels sont vos matériaux de prédilection ?
Les matériaux naturels : la pierre, le bois, le velours, le coton, le lin, la céramique, le marbre… Je ne sais pas travailler les matériaux de synthèse.
Comment abordez-vous un nouveau projet ?
Il doit faire sens. Je l’aborde dans sa globalité, c’est un tout, un ensemble. C’est comme un voyage ou une histoire que l’on raconte.
Qu’est-ce qui compte le plus dans l’aménagement d’un intérieur ?
Ce qui est primordial, c’est que la personne qui y vit s’y sente heureuse, qu’il embellisse son quotidien. Quand on me dit « on se sent hyperbien ici ! », j’ai le sentiment d’avoir réussi mon travail.
Dans une maison, quelle est la pièce que vous préférez ?
La pièce centrale, c’est la cuisine qui devient une pièce à vivre. Quand c’est possible, c’est super ! C’est un lieu de vie fantastique ! Moi, j’adore recevoir, j’aime faire plaisir.
Quel est l’objet indispensable dans un intérieur ?
Un vase, pour recevoir de beaux bouquets !
Quelles sont vos marques de déco coup de coeur ?
La vaisselle de Casa Lopez est très belle et les tapis Elitis sont très réussis. Chez AM-PM, tout le linge de maison est top ! En ce moment, je suis en train d’aménager un appartement pour ma fille, pour ça, Selency est un outil génial.
À quoi ressemble la maison idéale pour vous ?
Elle est pleine de vie, d’enfants, d’amis… J’ai aussi besoin de beaucoup de lumière. D’ailleurs, je recherche toujours les derniers étages, avec vue sur le coucher de soleil. J’aime les lieux
habités et lumineux, joyeux et cosy, avec des tableaux, des photos…
Comment créer un intérieur qui a du cachet ?
Le volume est essentiel. Un lieu, c’est avant tout un volume. L’équilibre sol-mur-plancher est primordial. Après, à chacun son mauvais goût, pour faire ce qu’il veut à l’intérieur ! [Rires.]
Une collection démarre à partir d’une matière. On part d’une base et on la décline selon différentes formes. Les matériaux sont toujours inspirants.
Vos meubles et accessoires sont essentiellement made in France et Europe, c’est important pour vous ?
C’est très important ! Nous n’avons jamais rien produit en Chine et nous nous battons au quotidien pour aller au plus près des artisans. En France et en Europe, nous avons des savoirfaire fantastiques, il ne faut pas les perdre. Mais il nous arrive aussi d’aller à l’étranger pour trouver des savoir-faire d’exception : en Inde pour les broderies, au Maroc pour les carreaux de salles de bains en zellige ou la poterie, au Ghana pour tout ce qui est vannerie…
Comment la dimension éthique ou durable est-elle présente dans vos réalisations ?
La dimension éthique s’inscrit dans le choix de nos fournisseurs. Au Maroc, nous travaillons avec une association de femmes qui luttent pour leur indépendance financière. C’est le cas aussi au Ghana ou en Inde.
La crise sanitaire a-t-elle eu un impact sur votre travail ?
Sur mon moral, vous voulez dire ! [Rires.] J’arrive au bout, là ! Mais je ne vais pas me plaindre, nous sommes dans un domaine que la crise sanitaire a renforcé. Le foyer est devenu une valeur refuge, les clients ont envie d’être mieux chez eux, de créer un espace confortable de travail à la maison.
Comment est née votre nouvelle collection Tuileries ?
La collection est née à la suite d’une sollicitation des équipes du Louvre. C’est une belle reconnaissance et une belle vitrine, avec un rayonnement international très fort. Je dois dire que je suis très fière de cette aventure.
Comment avez-vous travaillé avec le Musée du Louvre ?
J’ai eu carte blanche. Je me suis baladée seule dans le musée, avant de choisir les Tuileries comme source d’inspiration, ce jardin à ciel ouvert où mes enfants ont grandi. Les Tuileries, c’est mon quartier depuis toujours. Ce jardin est magnétique !
Vous créez des intérieurs privés, des hôtels, des restaurants, des bureaux, du mobilier, des accessoires, des couleurs et même des vêtements… Quel domaine aimeriez-vous explorer désormais ?
J’ai lancé une collection de petite maroquinerie et une gamme de produits de beauté et de cosmétiques va bientôt voir le jour. Notamment des vernis à ongles déclinés à partir des couleurs de mes peintures. L’idée, c’est toujours de tirer un peu plus loin l’histoire, et d’agrandir, d’agrandir…