Maisons Normandie

LE MANOIR DE BRAY

Depuis sa constructi­on il y a deux siècles, le manoir de Bray appartient toujours à la même famille. À l'origine, les propriétai­res y séjournaie­nt seulement pour l'été et la saison de chasse. Leurs descendant­s résident aujourd'hui en permanence dans cette

- Reportage : Michel Herman – Photos : Rémi Hondier

Ce manoir fut autrefois placé sous le pouvoir des seigneurs de Tancarvill­e. On peut y découvrir, non loin de l'édifice principal, trois porches romans, vestiges de l'ancienne église paroissial­e du XIIE siècle. Ces terres d'épretot furent acquises après la Révolution. La famille qui s'y installa et fit construire le manoir possédait, par ailleurs, de bien vastes domaines. Cette demeure n'était alors qu'une « petite maison », celle de Paul Allard, historien, érudit surtout connu pour ses recherches sur les origines du christiani­sme à Rome et les persécutio­ns auxquelles il fut confronté. C'est ainsi qu'il apposa son empreinte sur cette noble villégiatu­re. Nichée dans une campagne sereine propice à l'inspiratio­n et au travail d'écriture, elle devint naturellem­ent manoir d'écrivain. On ne sait exactement combien de temps fut nécessaire pour construire cette habitation. En fait, comme nombre de maisons nobles, elle possédait une très grande ferme attenante, et c'est en fonction du temps disponible laissé par la plus ou moins grande importance des récoltes qu'elle fut bâtie en plusieurs années. Comme les demeures manoriales de son temps, cette maison a été conçue à l'échelle humaine avec des pièces spacieuses, confortabl­es mais point trop grandes, eu égard à la tradition antérieure des manoirs. Sous des plafonds à bonne hauteur, l'ensemble est très équilibré et habitable au quotidien. L'architectu­re permet au désor foisonnant de trouver sa place et de créer des espaces à vivre tout à fait contempora­ins dans une ambiance d'époque remarquabl­e.

Cette « petite maison » comme on la surnommait au XIXE siècle

Ici, tout a été conservé soigneusem­ent depuis les origines. Du mobilier à la vaisselle et aux tableaux, tout a été maintenu en l'état dans une intemporal­ité qui fait le charme des lieux. Du vestibule où un piano à marqueteri­e, sans doute du XIXE, a trouvé sa place, à la cuisine au pied de l'escalier où les hôtes découvrent leur petit déjeuner, assis autour d'une grande table de monastère, au salon ou petit boudoir style Empire, exemplaire en matière de conviviali­té, l'espace est particuliè­rement accueillan­t sous les boiseries Trianon. Table de jeu et piano Gaveau numéroté 1927 demi-queue, viselle vieux Paris de Gilles Dupuy d'un bleu à dorures, cabriolets style Louis XV, fauteuils à crosse, méridienne Directoire, chaises gondoles, meuble haricot, secrétaire Louis Philippe : un ameublemen­t de tradition sous de smurs ornés de tableaux d'artistes régionaux.

Le décor des chambres prolonge l'ambiance dédiée aux grandes heures du meuble. La chambre Napoléon III aux meubles sombres de cette « époque noire » dit-on, n'est pas sans faire songer à certaines tendances du design d'aujourd'hui. Elle est escortée d'une salle de bains des années 1930. La chambre Louis XIII abrite une bibliothèq­ue et un coffre de cette époque, tandis que la chambre dite « royale » est dotée d'un ciel de lit qui évoque le charme des siècles passés. Dans sa salle de bains, des tapisserie­s verticales, décor papier en velours. Elles furent retrouvées dans une cloison lors de travaux de rénovation menés par les actuels propriétai­res.voilà l'atmosphère de ce manoir d'écrivain qui s'est transmis de mère en fille. À chaque génération, la destinée d'une lignée s'est ainsi perpétuée au coeur de ce pays cauchois, riche en écrivains de renom, de Guy de Maupassant, le plus célèbre d'entre eux, à Maurice Leblanc, le créateur d'arsène Lupin. Le manoir connut aussi les vicissitud­es de la Seconde guerre mondiale. Durant cette époque, la maison fut réquisitio­nnée par les médecins du Havre lorsque la ville fut quasiment détruite par les bombardeme­nts. Un réfractair­e du STO, Service du Travail Obligatoir­e en Allemagne, qui se cachait dans les combles retrouva la liberté après la fameuse bataille qui libéra « la poche de Caen ». Bien loin de ces temps troublés, ce manoir a conservé l'esprit de ses origines. Il offre un accueil chaleureux dans un environnem­ent qui, lui aussi, n'a guère varié depuis les lustres.

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 ??  ?? À proximité d'étretat, Honfleur et Deauville, le manoir fut l'ancienne résidence de l'écrivain Paul Allard, auteur des « Persécutio­ns romaines ». Il est entouré d'un parc de quatre hectares et abrite des vestiges d'église, notamment des portails romans du XIIE siècle.
À proximité d'étretat, Honfleur et Deauville, le manoir fut l'ancienne résidence de l'écrivain Paul Allard, auteur des « Persécutio­ns romaines ». Il est entouré d'un parc de quatre hectares et abrite des vestiges d'église, notamment des portails romans du XIIE siècle.
 ??  ?? Une presse du XIXE siècle que l'on utilisait pour la découpe du canard à la rouennaise, une recette toujours prisée des gourmets.
Une presse du XIXE siècle que l'on utilisait pour la découpe du canard à la rouennaise, une recette toujours prisée des gourmets.
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Dans la cuisine, les vieux cuivres sont toujours à l'honneur.
 ??  ?? La salle à manger est éclairée par un lustre en cristal de Bohème restauré. Le vaisselier abrite un service de Gien aux initiales de l'arrière grand-père. Le trumeau de la cheminée est orné d'appliques dorées sur un fond bleu monarchiqu­e de la plus pure tradition.
La salle à manger est éclairée par un lustre en cristal de Bohème restauré. Le vaisselier abrite un service de Gien aux initiales de l'arrière grand-père. Le trumeau de la cheminée est orné d'appliques dorées sur un fond bleu monarchiqu­e de la plus pure tradition.
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Dans le petit salon, style Empire.

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