ESPRIT LIBRE
Un “mâle blanc” pour président
Fidèle à sa vision libérale anglo-saxonne, Emmanuel Macron a manifestement décidé de flatter tous les travers qui minent le modèle français. Quand il s’adresse aux catholiques, il les encourage à se montrer plus « politiques » au nom d’une laïcité « apaisée » qui renonce au combat. Quand il doit annoncer un plan sur la banlieue, il joue du vocabulaire communautariste pour mieux abandonner les quartiers populaires.
Le tour de passe-passe est d’un cynisme incroyable. Ainsi donc, si Emmanuel Macron renonce aux propositions ambitieuses du rapport Borloo qu’il a luimême commandé, ce n’est pas parce qu’elles coûtent trop cher ou qu’il s’en fiche, mais parce qu’il ne servirait à rien d’écouter deux « mâles blancs » sur la banlieue.
L’expression n’est pas choquante lorsqu’elle sert à souligner le machisme. Elle le devient lorsqu’elle singe l’antiracisme pour enterrer l’égalité des chances.
Fidèle à la politique déjà menée avec l’Anru, le rapport Borloo proposait de continuer à concentrer les moyens sur les quartiers qui en ont le plus besoin, à créer une ENA locale, des campus numériques ; bref, à tout entreprendre pour permettre l’essor d’une future élite. Un plan ambitieux et coûteux. Que suggère Emmanuel Macron ? De laisser les banlieusards se démerder tout seuls. Quand on veut, on peut. Chacun pour soi et l’Etat pour les plus riches, voilà sa philosophie profonde. Un pur libéralisme qui maquille son égoïsme et sa sauvagerie en jouant au sympathisant des indigènes de la République. Derrière sa sortie sur les « mâles blancs », mine de rien, le président vient de faire une belle économie sur le dos des banlieues. La République, elle, va le payer cher.
La politique du chacun pour soi ne peut que détériorer le service public, diminuer le nombre de travailleurs sociaux et d’éducateurs, et affaiblir bien d’autres relais de l’autorité républicaine, dans les zones où la dérive guette. On sait bien quels sont ceux qui avancent à chaque fois que l’Etat recule : les radicaux. En prime, le président leur offre une victoire sémantique : réduire le débat d’idées à l’origine de ceux qui les portent. Ce n’est plus la République du mérite mais celle des origines. Tout ce qu’il faudrait combattre, Macron le flatte.
Qui promeut-il pour parler de la ville à la place d’un élu de terrain comme Borloo ? Yassine Belattar. Encore un « mâle » mais « beurgeois », sans aucune qualification pour parler sur ces sujets, si ce n’est ses origines et son ambition de remplacer Dieudonné dans le coeur du public de Beur FM. Quand il ne sert pas la soupe au dîner du CCIF pour qu’une bonne musulmane puisse gagner un dîner en tête à tête avec Tariq Ramadan, le chouchou du président insulte et menace toute personne qui prétend défendre la République et la laïcité. Son agressivité redouble quand il s’agit d’un Français arabe plus médiatisé que lui. Un drame personnel qu’il vit comme la preuve que la République n’est jamais assez bonne avec lui. Bel exemple de carriérisme promu par notre président. Dans la République libérale d’Emmanuel Macron, il vaut mieux consulter un arriviste qui fait des claquettes qu’un républicain qui coûte cher.
C’est exactement la dérive de la gauche américaine. Celle qui a conduit au naufrage intellectuel dans lequel elle se débat toujours. Alors qu’elle renonçait à une politique défendant le welfare state, elle s’est lancée dans un concours de vocabulaire politiquement correct pour conserver l’électorat minoritaire. Contrairement à ce que nous explique la droite antiféministe, le problème n’est pas que la gauche quitte le registre de la seule lutte des classes pour s’intéresser aux questions de société et aux discriminations. Le problème est de s’y intéresser de façon clientéliste et non universaliste. Il est logique que la gauche se passionne pour l’égalité et ses nouveaux combats. Mais, si son but est de multiplier les formules creuses ou d’encourager la communautarisation victimaire pour masquer son renoncement à l’égalité des chances, alors il ne faut pas s’étonner de voir émerger des candidats de la revanche comme Donald Trump. Emmanuel Macron s’est imposé parce qu’il était un moindre mal entre un candidat de droite totalement discrédité et une candidate d’extrême droite. Il nous est même apparu neuf et rafraîchissant. Et s’il n’était qu’une Hillary Clinton en caleçon ?