L’ESPRIT DE CASTE
On sait depuis longtemps qu’il existe des connivences entre les détenteurs des différents
pouvoirs. En France, elles se tissent désormais sur un fond de dépolitisation programmée. Les technocrates instillent dans l’opinion l’idée que leur expertise reste apolitique, alors que leur action conforte l’ordre établi fondé sur l’argent. Ils s’appliquent aussi à affaiblir délibérément les contre-pouvoirs qui garantissent le fonctionnement démocratique. Ainsi, la plupart des régulateurs sociaux régulent de plus en plus mal. L’esprit de caste s’affiche chez des dominants qui s’attachent plus à opposer les pauvres entre eux qu’à réduire les inégalités. Beaucoup de citoyens désabusés répondent à ces manoeuvres par un désintérêt grandissant pour la vie publique. Le taux d’abstentions élevé lors de la plupart des consultations électorales en témoigne. Ils se résignent quelquefois à des accommodements personnels ou bien ils recourent à des stratégies individuelles d’évitement qui conviennent tout à fait aux puissants. Mais, surtout, cette régression de la vigilance libère opportunément l’espace pour des porteurs de projets inquiétants. Il n’est donc pas exagéré de redouter qu’une telle indifférence ne prélude à quelque sombre aventure.