LE PRINCE
PAR CLARA DUPONT-MONOD
Certains enterrements ressemblent à « un meeting de l’UMP organisé chez
Hugh Hefner ». Comme celui de Gérard de Villiers.
Le 7 novembre 2013, lors de ses obsèques, cohabitaient dans l’église des mannequins et des patrons d’Interpol, Massimo Gargia et Claude Goasguen. Manquaient Jean-Marie Le Pen et Claude Lanzmann, les deux grands amis du créateur de SAS. C’est ce que nous révèle cette foisonnante biographie du roi de l’espionnage français, la première, signée de notre collaborateur Benoît Franquebalme : Villiers, trop souvent présenté comme un monolithe d’extrême droite réactionnaire, était un homme du grand écart. Ainsi, il inventa le porno chic littéraire alors qu’il ne parlait jamais de sexe. Sa série
SAS, qui totalise 100 millions d’exemplaires vendus, regorge de scènes où les femmes sont un « fourreau onctueux » que le héros, le prince Malko Linge, aime « transpercer ». Pourtant, à côté de cette lubrique passion, signale l’auteur, Villiers ne faisait aucune blague salace, se tenait impeccablement, bref, semblait considérer le sexe comme un non-sujet. Personnage à double, voire à triple fond, il était bien logique que ce « malade
du détail » titille l’intérêt d’une bonne plume. Celle de Benoît Franquebalme a l’intelligence de disséquer autant ses zones d’ombre que ses contradictions, sans oublier son côté visionnaire : fort de ses déplacements au Moyen-Orient, Villiers sut flairer l’avancée des islamistes. Truffée de témoignages, aussi solidement documentée qu’un SAS justement, cette passionnante biographie lève le voile sur l’espion qu’on aimait.