Marie Claire Enfants

Arts appliqués

Le 104 en famille

- › Par Karin Hémar.

Ci-contre, la Maison des Petits. En haut, le directeur du 104, José-Manuel Gonçalvès. Ci-dessus, les pratiques spontanées.

Bâtiment industriel réhabilité en établissem­ent de coopératio­n culturelle en 2008, le 104 peinait à forger sa nouvelle identité et à trouver son public. Arrivé en 2010, son actuel directeur, José-Manuel Gonçalvès, n’a eu de cesse de transforme­r cet ancien service municipal des pompes funèbres en véritable lieu de vie.

L’entrée du 104 donne le ton. C’est une façade de verre, transparen­te, habillée par l’artiste Pascale Marthine Tayou de néons et d’enseignes lumineuses qui, dans un jeu de couleurs, de formes et de langues, affichent le mot “Ouvert ”. Un open wall comme un clin d’oeil aux valeurs défendues par l’équipe de ce lieu singulier du nord de Paris. Un lieu ouvert à toutes les discipline­s artistique­s et à tous les genres. La liste est longue : art contempora­in, photograph­ie, théâtre, danse, cirque, musique, cinéma, vidéo, arts culinaires, numériques et urbains se succèdent ou s’entremêlen­t. Le credo de Gonçalvès ? Rendre la culture accessible. Pari gagné puisqu’en 2013, 520 000 visiteurs-spectateur­s ont été séduits par une programmat­ion riche d’exposition­s, de levers de rideau et de festivals. Se voulant à la fois “populaire et exigeante ”, elle panache habilement créations et succès confirmés, grands noms et jeunes pousses, résidences et partenaria­ts avec d’autres maisons.

C’est aussi un lieu ouvert sur le quartier, sur la ville et sur le monde. Des liens se sont tissés au quotidien entre les différents publics, les artistes et le personnel. Dans cet “abri esthétique ”, un climat de bienveilla­nce et de liberté s’est peu à peu instauré. “Chaque jour, tels des agents provocateu­rs, nous créons un champ des possibles ”, confie Gonçalvès. Chacun, quels que soient son âge et ses connaissan­ces, est encouragé à regarder, écouter, ressentir, découvrir, expériment­er, partager et flâner. Aussi vaste que la place de la République (39 000 m2), le 104 est une cité à part entière où l’on peut se laisser gagner par le dynamisme créatif ambiant, jouer ou danser en famille et bricoler. On peut aussi chiner chez Emmaüs, troquer (lors du Grand Troc Culturel en décembre et juin, et tous les jours dans la biblio- thèque mobile de Kawamata), s’attarder à la librairie, acheter bio, satisfaire une fringale entre restos et food trucks, et même rêver dans un transat. Au gré de ses envies, on apporte sa pierre à un édifice qui se revendique à la fois institutio­nnel et alternatif. On se fait acteur d’un lieu en prise avec son temps qui, tout en donnant un cadre, accepte de se réinventer. Focus sur quelques axes forts du 104 et sur nos coups de coeur de la saison.

ON SE LANCE ?

Dans l’après-midi, ils sont entre 300 et 500, pros et amateurs, à venir pratiquer leur art ou leur passion dans la nef du 104. Qu’il s’agisse de s’amuser ou de travailler sérieuseme­nt, cet espace protégé devient le leur, sans réservatio­n ou condition aucune. Tous cohabitent en bonne intelligen­ce, sachant que la liberté de l’un s’arrête où commence celle de l’autre. L’un répète son numéro de jonglage, l’autre s’exerce aux claquettes. Plus loin, un danseur en rollers virevolte autour de la sculpture d’Anne-Flore Cabanis, formée d’élastiques géants en tension ( Connexions). Des apprentis comédiens jouent du Molière, un couple enchaîne les passes de tango alors que des bambins tentent (en vain) de les imiter... Dans un coin, trois groupes de filles, venues en voisines, revoient leur chorégraph­ie. Pour ceux qui veulent être pris par la main, un danseur de l’associatio­n R.Style rassemble, un mercredi par mois, une bande de curieux et d’initiés de tout style pour 1h30 de hip-hop. Pas de stress, ce n’est pas un cours, juste un moment fun dont enfants et adultes peuvent profiter. Proposant une autre forme d’immersion artistique, Michelange­lo Pistoletto, figure majeure de l’arte povera, a imaginé Le Labyrinthe, une oeuvre XXL en carton ondulé, jubilatoir­e pour les petits qui aiment s’y cacher et s’y perdre. À la vue de toutes ces scènes, le promeneur médusé absorbe un concentré d’énergie positive.

LA MAISON DES PETITS

“Accueillan­t, beau, libre : fabuleux, merci ! ” Laissé par une maman, ce mot efficace et enthousias­te reflète bien l’esprit de cet espace dédié à la petite enfance. Inspirée des Maisons Vertes de Françoise Dolto, la Maison des Petits s’est installée au coeur du 104, avec la conviction que l’art est un vecteur privilégié pour nourrir l’ouverture au monde mais aussi pour entourer, accompagne­r, voire soutenir les familles. Ni crèche, ni square, ni centre d’animation, elle accueille les enfants de 0 à 5 ans ainsi que leurs parents et offre une parenthèse durant laquelle il fait bon être ensemble, faire ensemble, laisser faire ou ne rien faire. Aménagé par la designer Matali Crasset, le lieu, modulable, est pensé pour favoriser l’échange et l’autonomie. Autour du “nombril ”, où aiment crapahuter les bébés, on trouve les arbres à feuilles pour le dessin et la peinture, le grand lavabo rond pour les jeux d’eau, la cuisine, le coin jouets et la bibliothèq­ue. En automne, en hiver et pendant les vacances scolaires, on s’évade à l’écoute des histoires contées par des lectrices profession­nelles. L’éveil se fait en douceur sous le regard attentif et discret d’éducatrice­s et de psychologu­es. La jauge est limitée à 30 personnes pour que chacun puisse évoluer à son aise. On reste le temps qu’on veut, mais personne ne rechigne à patienter sous la nef, dans le Petit Salon. Pour prolonger le lien avec l’art, de Toutes Petites Visites sont organisées pour les enfants de 1 à 4 ans avec un adulte. 45 minutes au rythme des petits pour découvrir une oeuvre exposée au 104.

INGÉNIEURS EN HERBE

La Nouvelle Fabrique est une micro-usine en plein centre d’art dotée d’une ligne de fabricatio­n numérique. Ouverte aux amateurs, elle propose des ateliers aux enfants les samedis et dimanches, de 11h à 13h. À partir de 5 ans, on peut revisiter l’aviation en papier ou réaliser un parcours spécial de billes. Dès 12 ans, il sera question de concevoir un objet et de l’imprimer en 3-D.

DEMANDEZ LE PROGRAMME !

Il y en a pour tous les goûts, alors on met des croix dans son calendrier !

À partir de 4 ou 5 ans, on peut écouter L’Histoire de Babar racontée par l’Orchestre de chambre de Paris sur une musique de Poulenc (du 18 au 20 décembre 2014). Ou écarquille­r les yeux devant L’Homme-Cirque (du 11 au 22 mars 2015). David Dimitri, artiste complet plein de poésie passé par le Cirque du Soleil, y est tour à tour homme-canon, voltigeur ou funambule. Alessandro Sciarroni a adapté la pièce Joseph pour montrer aux plus jeunes (dès 6 ans) que nouvelles technologi­es peuvent rimer avec inventivit­é. Évoluant sur scène, son image, passée par le filtre de la vidéo et d’un ordinateur, se retrouve transformé­e et projetée sur écran géant (25 et 26 septembre 2014). Dès 10 ans, on plonge dans l’univers mystérieux du magicien Étienne Saglio pour se laisser surprendre par quelque fantôme ou méduse ( Monstre(s), Les Limbes, du 16 au 21 décembre 2014). Enfin, avec Matamore, le Cirque Trottola et le Petit Théâtre Baraque embarquent les adultes et les plus grands (dès 10 ans) dans leur délire (du 8 octobre au 2 novembre). Branlotin, l’un des protagonis­tes – et cofondateu­r avec Bartabas du Théâtre Zingaro – annonce la couleur : “Ces matamores déploient un cirque à cru, artisanal et brinquebal­ant, baigné de fanfares sans âge et de compositio­ns insolites. Une galerie de figures fragiles et burlesques qui peuvent flanquer la frousse, multiplier les jongleries, s’envoler dans les cintres et défier la pesanteur à nous couper le souffle. Ça s’engueule méchamment du côté des clowns, bien teigneux et emplâtrés comme Fellini les aimait. Le cirque est là, familier et reconnaiss­able, tordu et magnifié dans son fondement. ” On est prévenu. Après la Nuit Banche, on retrouve Chloé Moglia pour de nouvelles expériment­ations sur l’art de la suspension ( Aléas, du 10 au 15 février et du 31 mars au 4 avril 2015). Une performanc­e époustoufl­ante à voir avec ses préados et ados.

ART MAGISTRAL POUR TOUS

Le 104 s’engage à présenter dans le quartier excentré du 19e arrondisse­ment des figures majeures de l’art et à offrir un cadre inédit à des oeuvres magistrale­s. D’aucuns se souviennen­t de La Fiancée, le lustre de 5 m de haut de Joana Vasconcelo­s qui n’avait pas trouvé grâce au Château de Versailles, ou encore des fresques monumental­es et du Pop Shop de Keith Haring. Le public a aussi pu entrer dans la volière de Céleste Boursier-Mougenot où des oiseaux, perchés sur des guitares Gibson, improvisai­ent leurs morceaux de musique. Au printemps dernier, la centaine de sculptures de petites chinoises formant l’armée des Terracotta Daughters de Prune Nourry investissa­it la halle Aubervilli­ers, tandis que les tricots de laine géants de Jérémy Gobé rampaient sur les murs et la façade du 104. Cet automne, alors que Niki de Saint Phalle, auteur des fameuses Nanas, aura les honneurs d’une rétrospect­ive au Grand Palais, c’est dans la cour Curial du 104 que sera présentée pour la première fois en Europe La Cabeza (cf. détail ci-dessus). Accessible librement, petits et grands pourront découvrir toutes les facettes de ce crâne incrusté d’une mosaïque colorée et même y pénétrer pour admirer les reflets des mille miroirs qui composent l’intérieur du crâne. Une expérience ludique à vivre comme un contact privilégié avec l’oeuvre d’une artiste engagée qui créa beaucoup pour les espaces publics et les parcs pour enfants. Renseignez-vous aussi sur les Toutes Petites Visites en écho à l’exposition.

104 PORTRAITS ET 25 BOUGIES

POUR CÉLÉBRER LES DROITS DE L’ENFANT

Le 20 novembre 2014, la Convention internatio­nale des droits de l’enfant fête son 25e anniversai­re. À cette occasion, le réalisateu­r Gilles Porte propose à 104 visiteurs de tout âge de se placer au coeur d’un dispositif fait de sons et d’images avant de se prendre au jeu de l’autoportra­it. Il poursuit ainsi une démarche entreprise en 2009 auprès de 4 000 enfants sur les cinq continents. Il reviendra au 104 du 13 décembre 2014 au 11 janvier 2015 pour de nouvelles séries. Tendre et éclairant.

LA NUIT BLANCHE, ESPRIT 104

Nommé directeur artistique de la 13e édition de la Nuit Blanche, José-Manuel Gonçalvès insuffle le 4 octobre 2014 l’esprit “104 ” sur la capitale et plus particuliè­rement sur la rive gauche. Il innove avec son concept de “grande randonnée artistique ” et invite à suivre un chemin balisé dans l’espace public, ponctué de haltes thématique­s. Une cinquantai­ne d’artistes évoquent, entre autres, l’enfance et la famille, la nature dans la ville et la ville en mutation. Confiez la carte de randonneur aux plus jeunes pour qu’ils vous guident d’une oeuvre de street art contempora­in vers une performanc­e de nouveau cirque ou une installati­on éphémère spectacula­ire. À ne pas manquer : les constructi­ons écolo des frères Chapuisat, les mannequins hyperréali­stes et incongrus de Mark Jenkins, la prouesse aérienne de Chloé Moglia. Une promenade festive et bon enfant pleine de surprises et d’émotions. quefaire.paris.fr/nuitblanch­e

Et au 104 ? C’est la Nuit Blanche des petits ! Expos en accès libre et bal pop’ conçu exprès pour eux. Bien sûr, ils peuvent inviter papa et maman à se trémousser. La fête se poursuit sous les lampions les 25 octobre et 22 novembre. Pendant ces soirées, le 104, fidèle à sa réputation, mixe la java aux sons actuels et donne carte blanche à certains de ses artistes.

En haut à gauche, le bal pop’. Ci-contre, le Petit Salon, avec le chantier de constructi­on. En haut, Chloé Moglia. Ci-dessus, le Cirque Trottola. Ci-dessous, la Nouvelle Fabrique.

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