Devinette
Je suis ?
Je suis né à Casablanca, au Maroc, il y a 65 ans. À la suite des soulèvements dans le pays, mes parents m’ont envoyé à Nice à l’âge de 5 ans pour vivre chez ma grand-mère. J’y suis resté pendant deux ans, j’ai adoré cette période de ma vie. Ma grand-mère, Blanche, louait pour vivre des chambres de la jolie maison familiale à des dames. J’étais le seul petit garçon et j’étais fasciné par la féminité environnante. Je me souviens des odeurs dans la maison, on y respirait le parfum des femmes : la fleur d’oranger, la poudre de riz... Elles avaient aussi de drôles d’habitudes esthétiques. Il y avait une comtesse russe qui dormait avec des escalopes de veau ou des concombres sur son visage qu’elle faisait tenir avec un voile de lin. Je la croisais quotidiennement le visage emmailloté... Comme un drôle de monstre.
À 6 ans et demi, je suis parti en pension où je suis resté jusqu’à mes 17 ans, dans un univers dépourvu de femmes. C’est là que j’ai commencé à développer mon imaginaire, à rêver que j’étais un conquistador qui remontait l’Amazone... et à affirmer ma différence : quand tous mes camarades dormaient dans de traditionnelles couvertures de pension, ma mère, qui était très particulière, m’envoyait des couvertures rouge vif. Je n’avais pas beaucoup de copains et je me suis sauvé trois fois à 8, 9 et 11 ans : trois fois, j’ai été rattrapé par les gendarmes. Néanmoins, on me commandait régulièrement des avions en papier pour les faire tournoyer en looping du premier étage de la pension. Avec mes succès dans la mode, j’ai longtemps cru que mon premier talent avait été de dessiner des vêtements. Mais en repensant à cette époque, je me rends compte que la construction d’avions, c’était ça, mon premier business !
En pension, la moindre petite bille, le moindre élastique se conserve jalousement comme un véritable trésor : c’est aussi là que j’ai développé mon sens de l’accident et mon goût pour les choses humbles.
Aujourd’hui, j’ai deux grands garçons et un petit fils, Balthazar, qui a 6 ans. Nous sommes quatre et nous sommes les trois mousquetaires, Balthazar est D’Artagnan ! Il vit aux États-Unis. Tous ensemble, nous travaillons sur un magazine qui mettra en lumière ce qui se passe en backstage des défilés et des shootings, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. Il y aura, notamment, des photos de mes voyages via Instagram, des dessins de mes fils et de Balthazar à qui j’ai demandé de redessiner ma mode. Ses interprétations sont exceptionnelles.