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Wes Anderson, grand style

- Par Olivier De Bruyn

Depuis ses débuts, Wes Anderson s’amuse comme un fou et nous avec : décors farfelus et personnage­s perchés, kitsch assumé. On en redemande.

Un palace perdu dans les montagnes, quelque part dans un pays fictif : la république de Zubrowka. En ces lieux enchanteur­s, un écrivain pose ses valises. Et s’aperçoit que l’hôtel, autrefois réputé pour ses fastes, n’héberge plus que des habitués séniles et un personnel amorphe. Dépité, il rencontre le propriétai­re qui retrace pour lui l’histoire abracadabr­ante du Grand Budapest Hotel. Ou comment, dans l’entre-deux guerres, un certain M. Gustave, concierge et amant des plus belles clientes, bouleversa le destin du palace suite à une sombre affaire d’héritage et de tableau volé. Début d’un flashback vertigineu­x... Dans le paysage du cinéma américain, Wes Anderson se creuse les méninges, depuis quinze ans, pour donner naissance à des comédies farfelues, ultra stylisées, qui ne ressemblen­t à rien de connu. Après avoir (entre autres) mis en scène un sous-marin en débâcle désopilant­e dans “La vie aquatique”, un train peuplé de personnage­s énigmatiqu­es dans “A bord du Darjeeling Limited” et une île de scouts mabouls dans “Moonrise Kingdom”, il se surpasse dans “The Grand Budapest Hôtel”, son dernier film, couronné d’un impression­nant succès (1,5 million de spectateur­s en France !) et dont le DVD sort début septembre. Dans son palace élégant et kitsch, Wes Anderson, accompagné de sa fidèle compagne la fantaisie, sonde les obsessions de ses protagonis­tes (sexe, argent, pouvoir) et offre à ses acteurs (Ralph Fiennes, Jude Law, Adrian Brody, Léa Seydoux, Tilda Swinton...) de tout se permettre. Ou presque. Leur terrain de jeu ? Des décors qui tiennent à la fois de la maison de poupées fétichiste, une

constante chez Wes, et de la machine à remonter le temps, puisque le film se déroule sur plusieurs décennies, des années 30 aux années 70. Pour le cinéaste, expert en références diverses et variées, “ce film renvoie à un mélange d’inspiratio­ns, des comédies hollywoodi­ennes des années 30 à Stefan Zweig, entre autres!”

Sus aux convention­s

Pour récréer l’hôtel de ses rêves et incarner ses délires visuels, Wes Anderson a déniché un ancien grand magasin du début du siècle situé à... Görlitz, une ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco à la frontière de l’Allemagne, de la Pologne et de la République tchèque. Le cinéaste et son équipe ont construit l’essentiel de leurs décors à l’intérieur de l’ancien grand magasin. Au final, comme dans tous les films d’Anderson, c’est un monde inventé de toutes pièces qui s’y déploie, très loin des barbantes convention­s réalistes. Pour ces décors, Wes Anderson a travaillé de longs mois avec Adam Stockhause­n, son chef décorateur, qui explique : “L’espace de l’hôtel est conçu en rapport intime avec la personnali­té de M. Gustave. Le palace est une sorte de miroir qui reflète le personnage au fil des ans, à travers toute la palette des couleurs et des styles.” Wes Anderson à la façon d’un peintre associe ainsi les couleurs détonantes (rouge et violet, orange et vert) pour donner à voir les époques traversées par son héros siphonné. “Construire ce décor immense et infiniment complexe était un sacré défi, poursuit le chef décorateur. Nous avons commencé par d’interminab­les recherches sur les hôtels de l’entre-deux-guerres. On a repéré ici un escalier, là une porte d’ascenseur, là encore le bureau d’un concierge. Ces éléments disparates se sont assemblés en un tout cohérent. Nous avons d’abord construit le décor des années 60, puis nous avons tourné en remontant le temps, en découvrant en quelque sorte le lieu couche après couche pour en arriver finalement à l’hôtel le plus ancien.” Si les autres lieux de tournage se situent à Görlitz et bénéficien­t de sa richesse architectu­rale, Wes Anderson et Adam Stockhause­n ont néanmoins recréé l’extérieur de l’hôtel (et sa somptueuse façade rose pastel) avec des maquettes construite­s dans les prestigieu­x studios de Babelsberg, à Berlin. Miniaturis­ation ludique et apologie de la toute puissance de l’imaginaire : dans “The Grand Budapest Hôtel”, Wes Anderson se déchaîne au rayon des artifices. Et continue de nous étonner. “THE GRAND BUDAPEST HÔTEL”, DE WES ANDERSON. EN DVD LE 3 SEPTEMBRE (20TH CENTURY FOX)

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une maison de poupée du Grand
Budapest Hôtel.
2. M. Gustave (Ralph Fiennes) et Anthony
Quinonez (le groom Zéro).
3. Bill Murray, un homme d’affaires dépassé à bord du Darjeeling Limited. 4. Esthétique vintage
années 60 dans...
1. La façade comme une maison de poupée du Grand Budapest Hôtel. 2. M. Gustave (Ralph Fiennes) et Anthony Quinonez (le groom Zéro). 3. Bill Murray, un homme d’affaires dépassé à bord du Darjeeling Limited. 4. Esthétique vintage années 60 dans...

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