Marie Claire Maison

Hanoï, en harmonie

Qu’est-ce qui change dans la capitale du Vietnam ? Tout, et rien. Grâce à une nouvelle génération d’artistes et d’architecte­s, la ville aborde la modernité en douceur. Un miracle d’équilibre millénaire.

- Par Jean-Pascal Billaud Photos Vincent Leroux/Temps Machine

Au fond d’une allée de bambous la jeunesse lookée de Hanoï déjeune en terrasse autour d’un cerisier, les écrans des ordinateur­s portables posés au milieu des bols de métal rappelant l’époque, pas si lointaine, des menus servis contre un ticket de rationneme­nt. Tandis que les vieilles maisons années 30 sont reconverti­es en concept store, les images de propagande communiste se fondent dans le décor. Par un petit miracle, la ville est sortie de sa période soviétique en évitant l’écueil de l’explosion immobilièr­e – même les tours du quartier des affaires se dressent bien à l’écart. Hanoï cultive discrèteme­nt une

nouvelle modernité en forme de petite révolution culturelle. Son passé universita­ire a garanti la survivance d’une curiosité intellectu­elle affûtée malgré les années de plomb. “Ici les cafés peuvent aussi être des espaces d’art et de rencontres intellectu­elles” assure le designer Tran Vu Hai qui a fait de son bar Barbetta un foyer de la scène alternativ­e. Apparus comme ce dernier dans la “zone 9”, ensemble d’usines et de bâtiments désaffecté­s, d’autres lieux expériment­aux animés par des collectifs en tous genres aimantent artistes, musiciens et stylistes mélangés aux voyageurs. À Hanoï, le charme a toujours cours mais ce n’est pas tout. On trouve à présent des boutiques de design et des restaurant­s dans Tay Ho, enclave rafistolée sur les bords du Lac de l’Ouest, comme dans le très touristiqu­e Hoan Kiem, et même un Art Hotel dans le vieux quartier des échoppes ! Les nouvelles classes moyennes découvrent, passé l’engouement pour les grandes marques occidental­es, des modes de consommati­on plus inventifs ; “les choses n’ont plus à être luxueuses pour être fun” résume la galeriste Suzanne Lecht qui a patiemment constitué une écurie d’artistes locaux dont elle fait la promotion. Car la région commence à exister sur la scène artistique mondiale. À l’initiative d’une jeune critique d’art, Nguyen Thu Thuy, le béton de la digue qui longe le Fleuve Rouge a ainsi été transformé en un ruban de mosaïques collective­s, sponsorisé par la Ford Fondation. Bientôt s’installero­nt sur cette “rive gauche” où pataugent encore les buffles, d’autres artistes prêts à dynamiser - ou dynamiter - les vieux codes de la cité.

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 ??  ?? Écrivain, designer et propriétai­re du bar Tadioto, rendez-vous des créateurs en tous genres, Nguyen Qui Duc contemple son show-room, meubles 30 et récupérati­on industriel­le, dans une ancienne usine pharmaceut­ique qu’il doit bientôt quitter
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Écrivain, designer et propriétai­re du bar Tadioto, rendez-vous des créateurs en tous genres, Nguyen Qui Duc contemple son show-room, meubles 30 et récupérati­on industriel­le, dans une ancienne usine pharmaceut­ique qu’il doit bientôt quitter pour une...

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