Le papier cadeau loin d’en être un
Le monde n’est décidément que questions lancinantes et cruelles posées sur le mode du fallait-pascommencer ! Des questions du calibre de qui de la poule ou de l’oeuf ?, qui du cadeau ou du papier ? Oui, qui, le premier, eut l’idée d’emballer un objet destiné à être offert dans autre chose que du papier kraft ou de la vaporette de batiste en calicot extrudé ? Bref, qui fut l’inventeur du papier cadeau ? À première vue : personne. Du coup, on collera la faute aux grands magasins qui firent de Noël un événement commercial frénétique avec, entre autres initiatives mercantiles impactantes, l’empaquetage systématique du dit-présent dans du papier cadeau. Un truc qui remonte à la charnière des XIXe et XXe siècles quand ces dames étaient plus enrubannées que ledit cadeau et que l’industrie de la papeterie avait mis le capitalisme dans les petits papiers du Père Noël.
Prémonition : sous le sapin, cette année encore, des papiers glacés logotypés, scotchés à la chaîne.
Emballer, ce n’est plus ce que c’était.
Jadis, onc et autrefois, proposer un paquetcadeau faisant partie du package induit à l’approche des fêtes. Exactement comme gonfler les pneus ou nettoyer le pare-brise dans une station-service à la veille des vacances. Aujourd’hui, il s’agit d’un service premium +++, délocalisé en étage, fourni en rechignant et autour duquel, entre bonnes oeuvres du quartier et surplus de travail fliqué par les syndicats, cette euphorie est devenue une corvée. Quant au résultat : no comment. Papier glacé logotypé mal plié à l’emboutisseuse à tôles réfractaires, rubans chiches, stickers envahissants, et le tout scotché à l’auto-tamponneuse. Sans parler de l’attente - 45 mn minimum par emplette, car entre bras cassés, deux mains gauches et doigts en beurre, le rendement est à peu près aussi performant que le remplissage de mini-ballotins de truffes naines par des lémuriens asthéniques dans un concours de moufles. Franchement, on fait mieux à la maison avec du papier crèche roide et du scotch double-face couleur bande velpeau. Justement, il fut un autre temps où l’on pouvait réclamer en magasin papier, bolduc à emporter pour emballer soi-même ses cadeaux selon un ordre et une hiérarchie qui n’appartenaient qu’à nous. Fini, niet, nicht mehr !. Il y a désormais une noria de boutiques spécialisées qui ne vendent que ça : du papier cadeau. Le pire étant la boîte déjà prête avec “faveur-pouf” pré-collée dessus. Très américain. Nonobstant le fait que ce barda papetier criard coûte aussi cher, sinon plus que la babiole offerte et nous prive du plaisir fou de déchirer le papier cadeau en gloussant comme des dindes. On ne sait plus très bien qui a dit un jour que cette dimension généreuse de l’offrande consistant à confectionner soi-même l’emballage cadeau occupait 50 % de l’intention et moissonnait 200 % du plaisir procuré, mais on lui rend grâce en applaudissant des deux mains. Ce qui est mal commode avec des ciseaux, mais on n’a rien sans rien, tant il est vrai qu’emballer, c’est emballant. Libre à vous donc de procéder avec tout ce que vous tombe sous la main pourvu que ce soit plié avec amour, en évitant de gaver le pochon de papier de soie froissé, histoire de faire chic & luxe griffé. Sans oublier le bolduc, le ruban, le galon, la faveur, bref tout ce qui transforme le sacro-saint plaisir-d’offrirjoie-de-recevoir en authentique fête à noeud-noeud.