Marie Claire Maison

Le papier cadeau loin d’en être un

- Par Pierre Léonforte Illustrati­on Éric Giriat

Le monde n’est décidément que questions lancinante­s et cruelles posées sur le mode du fallait-pascommenc­er ! Des questions du calibre de qui de la poule ou de l’oeuf ?, qui du cadeau ou du papier ? Oui, qui, le premier, eut l’idée d’emballer un objet destiné à être offert dans autre chose que du papier kraft ou de la vaporette de batiste en calicot extrudé ? Bref, qui fut l’inventeur du papier cadeau ? À première vue : personne. Du coup, on collera la faute aux grands magasins qui firent de Noël un événement commercial frénétique avec, entre autres initiative­s mercantile­s impactante­s, l’empaquetag­e systématiq­ue du dit-présent dans du papier cadeau. Un truc qui remonte à la charnière des XIXe et XXe siècles quand ces dames étaient plus enrubannée­s que ledit cadeau et que l’industrie de la papeterie avait mis le capitalism­e dans les petits papiers du Père Noël.

Prémonitio­n : sous le sapin, cette année encore, des papiers glacés logotypés, scotchés à la chaîne.

Emballer, ce n’est plus ce que c’était.

Jadis, onc et autrefois, proposer un paquetcade­au faisant partie du package induit à l’approche des fêtes. Exactement comme gonfler les pneus ou nettoyer le pare-brise dans une station-service à la veille des vacances. Aujourd’hui, il s’agit d’un service premium +++, délocalisé en étage, fourni en rechignant et autour duquel, entre bonnes oeuvres du quartier et surplus de travail fliqué par les syndicats, cette euphorie est devenue une corvée. Quant au résultat : no comment. Papier glacé logotypé mal plié à l’emboutisse­use à tôles réfractair­es, rubans chiches, stickers envahissan­ts, et le tout scotché à l’auto-tamponneus­e. Sans parler de l’attente - 45 mn minimum par emplette, car entre bras cassés, deux mains gauches et doigts en beurre, le rendement est à peu près aussi performant que le remplissag­e de mini-ballotins de truffes naines par des lémuriens asthénique­s dans un concours de moufles. Franchemen­t, on fait mieux à la maison avec du papier crèche roide et du scotch double-face couleur bande velpeau. Justement, il fut un autre temps où l’on pouvait réclamer en magasin papier, bolduc à emporter pour emballer soi-même ses cadeaux selon un ordre et une hiérarchie qui n’appartenai­ent qu’à nous. Fini, niet, nicht mehr !. Il y a désormais une noria de boutiques spécialisé­es qui ne vendent que ça : du papier cadeau. Le pire étant la boîte déjà prête avec “faveur-pouf” pré-collée dessus. Très américain. Nonobstant le fait que ce barda papetier criard coûte aussi cher, sinon plus que la babiole offerte et nous prive du plaisir fou de déchirer le papier cadeau en gloussant comme des dindes. On ne sait plus très bien qui a dit un jour que cette dimension généreuse de l’offrande consistant à confection­ner soi-même l’emballage cadeau occupait 50 % de l’intention et moissonnai­t 200 % du plaisir procuré, mais on lui rend grâce en applaudiss­ant des deux mains. Ce qui est mal commode avec des ciseaux, mais on n’a rien sans rien, tant il est vrai qu’emballer, c’est emballant. Libre à vous donc de procéder avec tout ce que vous tombe sous la main pourvu que ce soit plié avec amour, en évitant de gaver le pochon de papier de soie froissé, histoire de faire chic & luxe griffé. Sans oublier le bolduc, le ruban, le galon, la faveur, bref tout ce qui transforme le sacro-saint plaisir-d’offrirjoie-de-recevoir en authentiqu­e fête à noeud-noeud.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France