Marie Claire Maison

L’âme des gauchos

- Texte Anne-Cécile Sanchez Photos Renaud Marion

ALes fiers cavaliers aux chevaux harnachés d’argent

rappellent à l’Argentine l’opulence passée de ses estancias. Voyage dans le temps et dans la pampa.

vec ses immeubles modernes, ses larges avenues, ses jolies boutiques et ses terrasses de café, Buenos Aires donne un curieux sentiment de familiarit­é à celui qui, venu d’Europe, la découvre après plus de douze heures de vol. Si lointaine, l’Argentine serait donc si semblable ? Oubliez Buenos Aires. À une heure et demie de route, au nord ouest de la capitale, San Antonio de Areco offre à peu de frais un pèlerinage dans le temps. Au beau milieu de la Pampa, ce petit village est dédié à la nostalgie gaucho, qui fait revivre autour du cuir, de l’argent et de la corne un artisanat d’excellence. Version sud-américaine du cow-boy, les gauchos cultivaien­t au xixe siècle une existence nomade frugale et une passion pour leurs chevaux, parés les jours de fête de selles et de harnais précieux… Disparus avec l’urbanisati­on, ces gardiens de troupeau incarnent une marginalit­é romantique mais aussi l’âge d’or des estancias prospères. La vie à la campagne, comme on la rêve en ville. C’est justement à San Antonio de Areco que fut publié en 1926 “Don Segundo Sombra”, célèbre roman initiatiqu­e argentin de l’écrivain Ricardo Güiraldes qui contribua à donner ses lettres de noblesse à la figure du gaucho – qui devait même inspirer un poème à Borgès. Bien des années plus tard, c’est en puisant dans sa culture que le village s’est forgé une identité régionalis­te célébrée chaque année en novembre par la semaine de la Tradition : concours de dressage, jeux d’adresses, chants et danses de la tradition gauchesca, marchés folkloriqu­es… l’événement attire une foule de curieux venus admirer les prouesses des descendant­s des gauchos, cavaliers des plaines qui perpétuent une mythologie rurale déclinée en panoplies ouvragées. Un art de vivre que l’on retrouve également à la Bamba, ancienne propriété agricole transformé­e en hôtel élégant où chaque détail, réalisé par des artisans locaux, joue à être d’époque et invite à se couler dans un rythme plus lent. Le soir venu, quand les centaines de lucioles scintillen­t dans l’herbe humide, on s’y sent loin, très loin, de Buenos Aires, et du reste du monde.

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