L’ÎLE D’OR DE L’ART
À Porquerolles, l’univers artistique hors norme du collectionneur Édouard Carmignac se révèle dans sa fondation enfouie sous une villa provençale radicalement remodelée. Un parc l’entoure où des artistes invités font éclore leurs oeuvres en pleine nature.
Une mer de désir concurrence la Méditerranée sur l’îlot le plus protégé de l’archipel des îles d’Or… Cette “Sea of Desire” d’Ed Ruscha, qui conclut la déambulation dans le parc de sculptures de la toute nouvelle Fondation Carmignac, est aussi le titre de l’exposition inaugurale, et partielle, d’une collection singulière de trois cents oeuvres qui doit tout aux humeurs et intuitions du financier Édouard Carmignac. Dans les 2000 m2 de salles souterraines, interdiction de construire oblige, et dans le parc alentour, il fait se télescoper Botticelli et Lichtenstein autour de l’idéal féminin, célèbre les alliances inspirées d’icônes de sa jeunesse – Warhol, Richter, Basquiat – de stars contemporaines – Ed Ruscha, Barceló ou Plensa – ou émergentes – Vhils, Olaf Breuning ou Gonzalo Lebrijà. Ils dansent tous sur les thèmes de leurs rébellions communes, orchestrés en huit étonnantes variations conceptuelles, par le commissaire de l’expo Dieter Buchhart. On les côtoie, pieds nus exigés pour faire corps avec les dallages façonnés, en groupes clairsemés, avant d’aller s’égayer à la rencontre d’une douzaine d’oeuvres d’artistes invités, disséminées sur quinze hectares. Entre chênes verts, oliviers, eucalyptus et cannes provençales, lavande et orchidées sauvages, Louis Benech, paysagiste subtil, y a créé un “non-jardin”. Il y procède par soustraction plutôt que par addition d’espèces, à l’exception de jacarandas, clin d’oeil au maître des lieux qui a poussé, comme eux, au Pérou. Son fils Charles dirige le domaine sur un air d’écologie new-age : “Ces visions partagées sur une île auront peut-être le pouvoir de transformer le regard de ceux qui les croisent. C’est le sens de notre projet.” Mission accomplie pour Carmignac père et fils.