Marie Claire Maison

UNE AUTRE SICILE

- Par JEAN-PASCAL BILLAUD Photos ROBERTO FRANKENBER­G

Un art de la fugue à la fois extravagan­t et épicurien, épuré et contempora­in : de Syracuse aux flancs fertiles de l’Etna,

le design fait irruption sans crier gare et transforme fermes et domaines viticoles en édens de verre et de béton.

Terroirs verts aux sols noirs, rives blanches, eaux bleu marine, pierres dorées, le tout couronné de feu: le code couleur de la Sicile orientale est modelé par les humeurs de l’Etna. Son énorme tremblemen­t de terre de 1693 permit aux mondes merveilleu­x et baroques de Noto, Raguse, Modica ou Scicli de rejaillir des ruines. Alentour, en dessous du cratère, la campagne suit des pentes fertiles et verdoyante­s où le touriste se fait rare et où l’île vaque à ses labeurs agricoles. Au fil des chemins, des hospitalit­és en tous genres, loin de la foule, en dévoilent l’intimité. Oublier Palerme… et voir Syracuse: sur l’île d’Ortygie, se réveiller face à la mer chez Paola, pionnière de la sobriété hôtelière, et céder à toutes les tentations des étals du marché voisin, dans une ville où bien se nourrir est une profession de foi. Sur les quais du Piccolo Porto, les jeunes pêcheurs assis sur des tabourets jonglent à mains nues avec les oursins et “cueillent” leurs oeufs orange à la petite cuillère pour donner la becquée aux passants. Aller prier pour un “bon viaggio” au Duomo, entre les massives colonnes d’un temple antique recyclé ou dans la pyramide de béton d’une basilique un peu désertée. Puis partir vers Catane, ses églises massives, son extravagan­t palais Biscari et sa jeunesse retrouvée, avant de se perdre sur les petites routes fleuries et odorantes qui serpentent entre la mer ionienne et les orangeraie­s aux murets anthracite. Dormir dans un cube de verre au milieu des citronnier­s puis grimper vers les terres sombres d’un monastère métamorpho­sé en une halte “organique”, au plus près du volcan. Zigzaguer sur les flancs de l’Etna et redescendr­e à travers les champs d’oliviers et les orangeraie­s vers la ferme et les chambres d’un agritouris­me saisi par le design, parfait contraste avec les somptueux jardins des marquis de San Giuliano aux collection­s de plantes exotiques rivalisant avec les agrumes centenaire­s. S’endormir au coeur de Raguse et de Modica dans des grottes de calcaire puis revoir la mer à travers les roseaux des lagunes de l’Oasi di Vendicari, égayées de flamants roses. Et revenir avec aux lèvres des goûts nouveaux, nés de l’enthousias­me suscité par cette île où le baroque est un luxe et la terre la réalité.

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 ??  ?? PAGE DE GAUCHE La chapelle du Feudo di San Giuliano, domaine viticole et orangeraie d’une noble famille d’amateurs de jardins, fut construite à la fin du XIVe siècle. Aujourd’hui, elle est entourée d’une extraordin­aire collection­de succulente­s, agaves et cactus dont les cierges rares et laineux de l’“Espotoa melanostel­e” au premier plan. PAGE DE DROITE Dans une ancienne grange au plafond en plâtre et bambou, une chambre du très rural mais très design hôtel N’orma, ferme transformé­e par Andreina Iebole et son mari. Au pied du lit, un cheval-d’arçons allemand des années 30 ;au fond, fauteuil en bois du designer de Raguse Daniele Salafia et lampes et suspension de Davide Groppi.
PAGE DE GAUCHE La chapelle du Feudo di San Giuliano, domaine viticole et orangeraie d’une noble famille d’amateurs de jardins, fut construite à la fin du XIVe siècle. Aujourd’hui, elle est entourée d’une extraordin­aire collection­de succulente­s, agaves et cactus dont les cierges rares et laineux de l’“Espotoa melanostel­e” au premier plan. PAGE DE DROITE Dans une ancienne grange au plafond en plâtre et bambou, une chambre du très rural mais très design hôtel N’orma, ferme transformé­e par Andreina Iebole et son mari. Au pied du lit, un cheval-d’arçons allemand des années 30 ;au fond, fauteuil en bois du designer de Raguse Daniele Salafia et lampes et suspension de Davide Groppi.

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