FRITZ HANSEN : LE DESIGN LE PLUS POPULAIRE DU MONDE
FONDÉ EN 1872, FRITZ HANSEN, LEADER DES FABRICANTS DE MEUBLES AU DANEMARK, S’OUVRIT TRÈS TÔT À LA CRÉATION AVEC KAARE KLINT, PUIS HANS J. WEGNER ET, DÈS 1934, ARNE JACOBSEN. LONGTEMPS FAMILIALE, L’ENTREPRISE EST DEVENUE UN GROUPE DONT LA NOUVELLE IDENTITÉ FAIT COHABITER SIÈGES ET LUMINAIRES DES GRANDS MAÎTRES SCANDINAVES AVEC LES TALENTS CONTEMPORAINS VENUS DU SUD. INVENTAIRE.
Arne Jacobsen Architecte danois et designer prolifique, pionnier du fonctionnalisme et chantre du modernisme international, Jacobsen (1902-1971) fut le bâtisseur de programmes immobiliers industriels, sociaux et civiques. Ébauchée dès 1934, sa collaboration avec Fritz Hansen (plus de 50 modèles) connaîtra son apogée en 1952 avec la fameuse “Myren” (“Fourmi”), chaise empilable en contreplaqué moulé à trois (et quatre) pieds, initialement dessinée sur commande pour la cantine d’entreprise de la firme pharmaceutique Novo Nordisk. De prime abord, Fritz Hansen ne crut pas au potentiel industriel de cette chaise estimée trop d’avant-garde. Bingo : elle sera produite par millions d’exemplaires. Une nouvelle version “Deco Silhouette” imprimée de motifs créés par la styliste Krista Rosenkilde ainsi qu’une nouvelle gamme de couleurs ont été lancées voilà quelques mois.
Best-sellers historiques Avec sa palette de couleurs infinies, la “Fourmi” de Jacobsen donnera naissance à la chaise “3107” dite “Butterfly/Papillon” ou “Série 7” (1955), autre succès mondial pour Jacobsen et Hansen, vendue à plus de six millions d’exemplaires et aussi plus copiée qu’à son tour. Propice à toutes les déclinaisons plastiques, la “Fourmi” fut revue et corrigée en 2015 par Zaha Hadid, Jun Ingarashi et Bjarke Ingles/BIG. Réduite à la taille junior 3 ans et +, elle s’habille depuis peu de velours italien Redaelli rose, bleu ou rouille. Toujours signé Jacobsen, le fauteuil “OEuf” (“Egg Chair”), sorti de sa coquille en 1958, doit son nom à sa forme de coquille d’oeuf brisée. Tenu comme le siège le plus copié de l’histoire du design, l’“Egg” est une sculpture abstraite qui valut à son auteur le surnom de Henry Moore du design, et aussi, plus méchamment, attribué par une presse ronchon d’alors, celui d’Egg-chitecte. Autres best-sellers : tous les sièges de la série PK issus de la Kjaerholm Collection.
Danish Modern Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Danemark est considéré comme le pays du bon goût universel en matière d’ameublement. Grâce à ses collaborations avec Jacobsen, Poul Kjaerholm, Hans J. Wegner, Fritz Hansen en est le héraut absolu, moteur d’une industrie et d’un style qui trouvera un tremplin de reconnaissance internationale à Milan lors des Triennale et avec l’exposition itinérante Design in Scandinavia qui tournera aussi aux États-Unis et au Canada entre 1954 et 1957. Avec le bois, l’acier et le verre pour principales matières, la Danish Modern Revolution sera hissée haut grâce à l’accession au pouvoir des gouvernements socio-démocrates, et portée beau d’églises en bâtiments publics.
Fritz Hansen & fils Maître-ébéniste, Fritz Hansen avait un peu plus de vingt ans quand il ouvrit, en 1872, à Copenhague son premier atelier de menuiserie, alors spécialisé dans les cadres et carcasses de fauteuils. Transférée à Allerod en 1898, la production s’était élargie aux sofas, chaises longues, et miroirs tandis que sa société, Fritz Hansen & Co., prenait pignon sur rue dans le centre de la capitale danoise. À sa mort, en 1902 à 55 ans, c’est son jeune fils, Christian Hansen, qui prendra les rênes de la maison et ouvrira production et catalogue aux idées et créations d’architectes danois. Le premier, en 1905, sera Martin Nyrop, pour meubler l’hôtel de ville de Copenhague. FH & Co. fournira ensuite tous les théâtres et cinémas ouvrant en ville et dans le pays. Dès le début des années 1930, une troisième génération de Hansen accédait à la direction avec les frères Paul-Fritz et SorenChristian, lesquels ouvriront la firme familiale aux préceptes du Bauhaus. Visant la collectivité comme le domestique par des solutions pratiques et économiques, Fritz Hansen bâtira son renom sur la foi d’idées simples et visionnaires. À son tour, Peter J. Lassen, le fils de Soren-Christian, intègrera la firme, qu’il dirigera jusqu’en 1979, année du rachat de Fritz Hansen par le groupe de distribution danois Skandinavisk Holding. Lassen s’en ira fonder ensuite la firme d’ameublement modulaire Montana.
Designers
À la suite de Martin Nyrop, premier architecte à avoir collaboré officiellement avec Fritz Hansen en 1905, il y aura, dans les années 1930, les designers Frits Schlegel, Magnus Stephensen, le Néerlandais Matt Stam, transfuge du Bauhaus, et puis Kaare Klint, Arne Jacobsen, Poul Kjaerholm, Hans J. Wegner... Dans les années 1960/70, FH collaborera avec Jorn Utzon, Nanna Ditzel, Sidse Werner, et surtout avec Verner Panton. À la charnière des xxe et xxie siècles, le paysage fritzhanseniste s’internationalisera avec l’arrivée du maestro italien Vico Magistretti, de Piero Lissoni, de l’Anglais Benjamin Hubert, de l’Espagnol Jaime Hayón, du Japonais Oki Sato (Nendo), tandis que les Scandinaves Henning Larsen, Kasper Salto, Cecilie Manz, Kibisi, Komplot Design ou GamFratesi prenaient la relève nationale. Mention spéciale au fameux designer américain Paul McCobb, dont la série Planner (miroir, serviteur-muet...) est aujourd’hui en partie rééditée par Fritz Hansen.
Hans J. Wegner Ébéniste émérite récipiendaire de plus de vingt récompenses majeures, Wegner (1914-2007), auteur crédité de plus de cinq cents dessins de sièges et dont la production nécessita le regroupement en coopérative de cinq firmes pour satisfaire les commandes à l’export, fut chez Fritz Hansen le créateur en 1944 de la “China Chair”, expression parfaite du luxe spartiate, inspirée par un fauteuil chinois traditionnel, et paradoxalement, essence du design danois. Hansen, ne croyant pas au succès de ce siège, le mettra en réserve avant de le ressortir en 1963. Vendu comme des bols de riz à l’étranger, il est depuis produit sans interruption.
Kaiser Idell Orfèvre allemand ayant participé aux enseignements du Bauhaus au début des années 1920, Christian Dell (1893-1974) fut interdit d’exercer dès 1933 par le parti nazi. Ironie industrielle : sa lampe de bureau, la “6631 Luxus”, sera produite en 1936 par la firme de luminaires Gebr. Kaiser & Co. et nomenclaturée en catalogue Kaiser Idell. Pesant 4,2 kg, traitée en maints coloris et proposée en cinq tailles, de l’applique au lampadaire jusqu’à la suspension, ce luminaire tutélaire est reproduit désormais par Fritz Hansen.
M ath & matik Bruno Mathsson (1907-1988), designer suédois, est considéré comme l’inventeur du design organique. Généralement autoproduit et adepte de la VPC, il est l’auteur des emblématiques sièges “Sauterelle” (“Grässhoppan”) et “Pernilla”. Associé au mathématicien Piet Hein, inventeur de la forme intermédiaire entre ovale et rectangle, il formera un duo que Fritz Hansen captera pour éditer en 1968 leur fameuse table “B614” dite aussi “Super Elliptical”. Une version “petits espaces” de la table “FH125” était inscrite au programme des nouveautés 2019.
Poul Kjaerholm Maître-ébéniste diplômé de l’école des Arts appliqués cofondée en 1923 à Copenhague par Kaare Klint, passé à la série industrielle, Poul Kjaerholm (1929-1980), fut lui aussi un pilier vénéré du Danish Modern. Employé chez Fritz Hansen, il en claquera la porte en 1951, fâché de voir ses projets passer au second plan pour favoriser ceux d’Arne Jacobsen. Et filera collaborer avec la firme de mobilier Kold Christensen où il développera en totale exclusivité une série de pièces devenues iconiques. C’est par le rachat de Kold Christensen en 1982 que Poul Kjaerholm reviendra à titre posthume chez Fritz Hansen via la Kjaerholm Collection, qui réunit la production du designer entre 1951 et 1967.
Republic of Fritz Hansen Après son rachat par Skandinavisk Group, Fritz Hansen restera la tête de pont du groupe, rachetant plusieurs entreprises comme Kold Christensen, Kevi (sièges) ou encore, en 2015, la société de luminaires danoise Lightyears. Quinze ans auparavant, en 2000, l’entreprise était proclamée Republic of Fritz Hansen. Vingt ans plus tard, la raison revient à l’essentiel : c’est Fritz Hansen, un point c’est tout. Avec trois show-rooms ouverts à Copenhague, Milan et Tokyo, la marque est diffusée dans plus de 2000 points de vente dans 85 pays.
Sas Royal Copenhague, 1956. La compagnie d’aviation civile scandinave SAS commande à Arne Jacobsen la conception intégrale de l’hôtel SAS Royal, aujourd’hui Radisson Blu Royal. Le bâtiment de vingt étages sera, et restera longtemps, le premier et seul gratte-ciel de la capitale danoise. Du lobby à l’ultime des 250 chambres quatre étoiles, Jacobsen y concevra tout, jusque dans les moindres détails : mobilier, rideaux, vaisselle, verrerie, luminaires, poignées de porte, cuillères à thé... Son inauguration, en 1959, forgera la célébrité internationale de Jacobsen et servira de vitrine-ambassade à Fritz Hansen, qui a produit les célébrissimes fauteuils-sculptures “OEuf”, “Cygne”, “Pot” et “Goutte”, certains utilisés plus tard par Stanley Kubrick pour le film “2001, L’Odyssée de l’espace”. Rénové, l’hôtel a conservé une chambre, la 606, baptisée “The Arne Jacobsen Room”, telle qu’elle était à l’origine.
The Chair Le design scandinave atteindra un apogée médiatique absolu en 1960 lors du face-à-face télévisé entre Richard Nixon et John F. Kennedy : les deux candidats à la présidence américaine étaient assis chacun sur un fauteuil dessiné par... Hans J. Wegner. Et qui, histoire oblige, figure depuis dans les collections du National Museum of American History, à Washington, DC. Dessiné en 1949, immatriculé “PP503”, connu comme “The Round Chair”, ce modèle est devenu un collector recherché. www.fritzhansen.com
“UNIVERSEL LE PAYS DU BON GOÛT EN MATIÈRE ” D’AMEUBLEMENT