Bruxelles : dans la lumière d’Horta
“Des paysages intérieurs” : Françoise
Aubry, spécialiste de l’architecte bruxellois Victor Horta, définit ainsi ses projets. Fan d’opéra et d’Eugène Viollet-le-Duc, lui aussi croit au pouvoir de la beauté pour tous. Comme la “Maison du peuple” – un “antidote à la tentation de l’Assommoir” construite pour le parti ouvrier –, sa villa-atelier (1901) est un manifeste de ses convictions sociales et esthétiques. Les vitraux en verres américains jaunes filtrent la lumière qui devient bleutée le soir, le bow-window évoque une libellule dont les ailes seraient le garde-corps, des papillons s’accrochent aux cimaises des murs du salon de musique… Comme un hymne à la nature.
❚ Musée Horta Saint-Gilles, hortamuseum.be serpent (un bois dense) d’Amérique du Sud. Tables et fauteuils s’ornent de pommes de pin — un motif “best-seller” du catalogue. Chez les Majorelle, dont la maison-manifeste sert de showroom, les courbes du lit en frêne de madame, incrusté de cuivre et de nacre, évoquent des ailes de papillon et des fougères poussent aux pieds des lampes.
Le beau pour tous
Et l’on passe du luxe aux Arts décoratifs pour le plus grand nombre : avec la fondation de l’Alliance provinciale des industries d’art en 1901, à Nancy, qui correspond à un nouveau mode de distribution (vente par correspondance sur catalogue), la production en série s’organise — du “tea-room” des Magasins Réunis à Nancy (ancienne chaîne française de grands magasins) en 1909 jusqu’à l’éclairage, pour lequel Majorelle et Daum créent piétements en bronze et cache-ampoules.
Collaboration arty et innovation
Collaborateur de Daum, Jacques Gruber grave le verre à l’acide fluorhydrique et réinvente le vitrail, superposant des feuilles et des nénuphars aux variations chatoyantes. L’Art nouveau influence même l’urbanisme, des marquises de stations de métro “libellule” d’Hector Guimard à Victor Horta qui mélange marbre et fer, ou Henri Sauvage
— architecte de la villa Majorelle et des premières HBM (habitations bon marché). N’en déplaise à l’écrivain Maurice Barrès, qui déteste ce renouveau qui déracinerait l’art, on est loin des clichés sur le style “nouille”!