Guillaume Henry, l’extravagance raisonnée
Et si la mode s’inspirait de la bonne cuisine et de l’agriculture respectueuse ? Chez Patou, pour l’automne-hiver 2021-2022, le créateur propose une mode saine et équilibrée. Au menu : écoresponsabilité, inspirations florales et vêtements de saisons.
Quelles ont été les principales inspirations de cette collection ?
Cette saison, j’ai voulu exprimer une envie de fantaisie, de joie, de liberté. Je me suis beaucoup inspiré des jardins et des fleurs. Mais attention, pas des fleurs comme nous avons l’habitude de les voir représentées et qui sont peut-être un peu trop… mignonnettes. Mes fleurs, je les ai voulues très extravagantes. J’ai tenu à partager une mode joyeuse parce que, finalement, c’est cela la mode: un univers fabuleux, qui est capable de nous faire rêver et voyager.
Qu’est-ce que toutes ces couleurs et volumes extravagants expriment entre les lignes ?
Que nous avons envie de sortir de ce grand tunnel sombre, noir et froid que nous traversons tous ensemble, à tous les endroits du monde et depuis maintenant plus d’un an. C’est pour cela que je me sens très chanceux d’évoluer dans la mode: je travaille quotidiennement avec des couleurs et des volumes. Et puis j’échange surtout avec des artisans magnifiques. Avec mon équipe, cette saison, nous avons voulu célébrer tout cela : la joie qu’est cette industrie, la joie de travailler avec des formidables talents à travers le monde et la joie de travailler dans la mode tout simplement.
Il y a aussi une dimension écoresponsable dans cette collection, pouvez-vous nous en dire plus ?
Chez Patou, la notion d’écoresponsabilité est fondamentale, et ce depuis le premier jour. Bien sûr, cette dynamique ne fait que grandir. Aujourd’hui, par exemple, plus de 70 % de nos matières sont d’origines organiques ou bien liées à l’industrie du recyclé. Nous avons encore des progrès à faire, il y a toujours des progrès à faire et nous ne sommes pas parfaits. La mode, c’est aussi des envies, des impulsions, donc certaines choses peuvent être encore améliorées. Mais on est sur la bonne voie.
Quels sont vos désirs pour la mode de demain ?
En tant que designer, j’ai beaucoup d’envies. D’ailleurs, pour les créateurs, nos envies sont souvent en réaction à ce qu’on vit. Et ce
qu’on vit est tellement brutal actuellement, tellement étrange, qu’évidemment, j’ai plein d’idées qui me viennent en tête. Cette période est un moment propice aux nouvelles envies et je dois dire que je suis très positif, très optimiste. Restons cependant réalistes : ça va encore être dur, ça l’est déjà. Mais j’ai cette chance, à titre personnel, de travailler pour une maison où l’on ressent un véritable soutien. Peut-être que d’autres personnes, dans d’autres entreprises, ne ressentent pas cela. Et c’est certainement plus dur. Mais je dirais que mes désirs sont optimistes.
Est-ce que la mode doit changer radicalement, se réinventer, instaurer de nouveaux process et rituels ?
Ce que j’adore avec l’industrie de la mode, c’est qu’elle est comme une photographie de notre époque. Et je pense qu’il n’y a pas de mode s’il n’y a pas de photographie des différentes époques. Si on pense à une décennie en particulier, on va souvent penser à un vêtement, à un look ou une allure. C’est important d’être sensible à son époque et à ce qu’elle raconte. C’est pour ça que, chez Patou, la notion d’écoresponsabilité est capitale. Des choses doivent changer et je pense que, dans cette industrie, lorsque l’on n’est pas d’accord avec certains mécanismes, alors autant inventer les siens. Dans cette maison, nous sommes très inspirés par l’industrie alimentaire et notamment les fruits de saison. C’est important les fruits de saison ! Alors pourquoi nous ne ferions pas la même chose avec les vêtements ? Il faut instaurer une saisonnalité respectée: s’habiller chaud lorsqu’on a froid, s’habiller léger lorsqu’on a chaud. Proposer des prix justes et des collections plus réduites. Ou bien, s’il y a une matière à laquelle on tient et à laquelle on croit, pourquoi ne pas la garder saison après saison? C’est aussi simple que cela. Lors de ce dernier défilé, vous aurez peut-être remarqué qu’il y a très peu de nouvelles matières. La raison est simple: nous sommes très satisfaits par celles que nous utilisons déjà. C’est un peu comme au restaurant : c’est terrible de voir disparaître son plat préféré à la carte d’un restaurant dans lequel on a ses habitudes.