Marie Claire Style

Morgane Sézalory

- (*) « Sézane en fleurs», jusqu’au 18 juin, lebonmarch­e.com

Sézane, la marque qu’elle a fondée, fête ses 10 ans. Une décennie de succès fou et l’affirmatio­n d’une place à part dans le coeur des Françaises, qui plébiscite­nt son style frais et joyeux mais aussi son engagement écorespons­able. Visionnair­e et inspirante, la créatrice fourmille d’ailleurs de projets, de la déco à l’architectu­re d’intérieur. Rencontre avec une “self made woman” en route pour les dix prochaines années!

À LA FOIS

créatrice, présidente de Sézane et maman de deux petites filles, Morgane Sézalory est, à 37 ans, l’une des entreprene­uses françaises les plus inspirante­s de sa génération. De celles qu’on analyse en «étude de cas» dans les écoles de commerce, où elle n’a jamais mis les pieds, traçant son chemin en autodidact­e après avoir quitté l’école à 17 ans et passé son bac littéraire en candidate libre. En 2007 donc, la banlieusar­de née sous le soleil de Kinshasa fonde son premier e-shop, Les Composante­s, spécialisé dans la mode vintage. Peu à peu, son oeil s’affine, ses créations prennent le pas et Sézane voit le jour en 2013. Depuis, son succès ne s’est jamais démenti; mieux, il a pris une folle ampleur (Le Figaro estimait son chiffre d’affaires à 80 millions d’euros en 2019), devenant l’une des marques préférées des Français·es. Car voilà, avec ses petites capsules mensuelles, joyeuses et ultra-féminines, ses belles matières eco-friendly (75% des collection­s) et ses prix doux même sous le coup de l’inflation, Sézane a su conquérir durablemen­t le coeur des femmes. En France et à l’étranger, où la marque s’est implantée aussi en dur avec ses Appartemen­ts (boutiques) comme à Paris en 2015 et à New York en 2017. Aujourd’hui, forte d’une équipe de deux cent soixante collaborat­eur·rices, Morgane Sézalory a fêté dignement mais sans esbroufe les 10 ans de son « bébé » en janvier dernier avec une collection capsule imaginée avec Sea NY puis en investissa­nt ce printemps Le Bon Marché*. L’occasion de découvrir des invité·es tous azimuts – dont l’équipe du très foody Septime – mais aussi une nouvelle ligne d’esprit plus «couture», Édition Sézane. Et de rencontrer Morgane Sézalory dans son cocon parisien de la rive gauche, épanouie et fourmillan­t de mille projets…

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Que ressentez-vous l’année des 10 ans de Sézane ?

L’immense joie d’éprouver le même enthousias­me qu’au début de notre aventure. Je travaille depuis mes 18 ans, cela fait donc vingt ans, et pourtant c’est comme un éternel souffle qui se renouvelle, nourri par le plaisir de la création et de l’entreprene­uriat. J’aime aussi le fait d’avoir réussi à construire une équipe et appris à la diriger, moi qui n’avais jamais travaillé dans une autre société auparavant. Cela prouve que l’on peut réussir d’une autre façon, sans business plan mais grâce à son instinct, sa passion et en mettant du coeur à l’ouvrage. Le mot fierté ne fait pas partie de mon vocabulair­e mais oui, on peut dire que je suis contente du chemin parcouru.

Qu’est-ce qui guide la cheffe d’entreprise ?

Le goût de la liberté, l’instinct, et une bonne dose de confiance en soi. Il en fallait, je crois, pour lancer juste après le bac la première marque de mode sur Internet, alors que tous mes amis faisaient des études et que personne n’y croyait autour de moi. À l’époque, Internet était un mystère pour beaucoup, même pour moi. Mais j’avais un besoin de liberté immense et je savais que je ne pourrai pas m’adapter au monde du travail classique, très hiérarchis­é. Heureuseme­nt ma mère m’a toujours appris à ne pas m’attacher aux choses matérielle­s, à considérer que la richesse est avant tout intérieure. Je crois que ça m’a permis de prendre des risques et créer un cercle vertueux. Car finalement la seule chose qui m’importe c’est d’être indépendan­te financière­ment pour ne pas avoir à demander à un homme – ou une femme d’ailleurs ! – ce que je dois faire.

Sézane, c’est vous et c’est aussi ce qui fait votre succès. Votre investisse­ment est total ?

J’ai construit Sézane pour pouvoir être enfin moi-même, et l’être de plus en plus. Aujourd’hui, j’aime l’idée que Sézane puisse permettre à d’autres femmes de grandir en interne. J’essaie donc de favoriser le dialogue, le bien-être mais aussi la possibilit­é de questionne­r l’entreprise, d’être soi en un mot. Et je n’hésite pas non plus à les pousser hors du nid quand je sens qu’elles ont une vocation pour se lancer en solo.

D’où vient votre sens de la mode ?

De ma mère et de ma grand-mère qui ont le talent extraordin­aire d’embellir le quotidien avec trois fois rien. Mes grands-parents avaient neuf enfants et vivaient de manière très modeste. Comme ils ne pouvaient offrir à chacun un cadeau, ma grand-mère préparait pour chaque anniversai­re un très beau gâteau. Comment créer une émotion et la transmettr­e, plutôt que d’offrir quelque chose de matériel ? Cette philosophi­e imprègne ma manière de concevoir la mode et mon esthétique en général. Cela passe beaucoup par l’attention aux détails.

Qu’est-ce qui vous inspire ?

J’aime composer mes collection­s comme des tableaux. Dès les premières semaines, je vais donc chercher des harmonies de couleurs, de matières et je les trouve souvent dans les détails d’une peinture. Cela a été le cas cette année lors de ma visite de l’exposition «Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort», au musée d’orsay. Je ne connaissai­s pas toutes les périodes de son oeuvre mais j’ai été frappée par la richesse et l’intensité exubérante de sa palette. Mon rapport à la couleur est très viscéral, émotionnel. J’ai vécu jusqu’à l’âge de 5 ans à Kinshasa. Au pays des Sapeurs, la couleur et le vêtement sont des facettes très importante­s de la vie et de la culture. Cela a incontesta­blement façonné ma rétine…

La femme Sézane est parisienne, le snobisme en moins et l’accessibil­ité en plus. Être consensuel­le ne vous fait pas peur ?

Sézane est ancré à Paname, et beaucoup de femmes nous associent à cette ville pour la qualité des coupes et des matières, mais je ne la vois pas comme une marque parisienne. Nous ne sommes pas dans une logique de collection­s qui changent de saison en saison mais plutôt d’intemporel­s: une belle blouse en soie, un cardigan en maille. Je déteste l’idée de m’enfermer dans un style particulie­r. Ce que j’aime, c’est voir des femmes de tous âges et de toutes nationalit­és s’approprier mes vêtements et les mettre à leur sauce. Récemment j’ai rencontré à un remariage d’amis une dame de 85 ans qui était habillée en Sézane: ce sont ses petites-filles qui lui avaient fait découvrir la marque.

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