DIANE DUCRET Touche pas à mon sexe !
Maudit et rejeté, piercé et peint, adoré et fantasmé, le sexe de la femme a toujours attisé haines et passions radicales. D’une plume crue mais enthousiaste, la philosophe nous en raconte la réalité sociale, historique, érotique.
Son premier ouvrage, « Femmes de dictateur », expliquait comment des amoureuses pouvaient se vouer à des pervers destructeurs. Dans « La chair interdite », la philosophe Diane Ducret nous conduit à travers les siècles de procès en sorcellerie contre ce « sexe » qui pourtant donne plaisir et naissance aux hommes. Des Grecs, qui voilent les courtisanes, à Helmut Newton, le grand photographe fétichiste, c’est toute l’histoire méconnue de notre intimité qu’on découvre. Avec stupeur et délectation. Marie Claire : Pourquoi le sexe de la femme a-t-il toujours quelque chose à se reprocher ? Diane Ducret : C’est un organe intérieur que l’homme ne voit pas. Il en a peur autant qu’il le désire. Lorsqu’Eva Braun, par exemple, a ses règles, Adolf Hitler l’envoie à la pharmacie chercher un médicament afin qu’elle puisse quand même se donner à lui. J’ai essayé de voyager dans l’inconscient historique masculin. La légende du vagin à dents, on la retrouve sur tous les continents. L’excision, on la pratiquait en France depuis Ambroise Paré, et jusqu’en 1890 à la Salpêtrière. Que des femmes puissent prendre du plaisir entre elles, c’était dangereux ; alors il valait mieux couper. J’ai lu les comptes rendus des médecins, cela a été un choc. Le grand critique d’art anglais John Ruskin a-t-il vraiment divorcé le soir de son mariage ? Depuis les Grecs, on ne représente que la femme parfaite, sans sexe. Lorsqu’il découvre la toison pubienne de son épouse, il est incapable de l’honorer. « L’origine du monde » de Courbet, c’était la toile impossible ? Impossible à vendre, oui ! D’ailleurs, c’est un dandy turc qui en passe commande. Très vite, il connaît des revers de fortune et le tableau passe de main en main, sans qu’on sache où il est. Etonnant de penser qu’il finit chez Lacan, qui écrit que l’organe de la femme est « un vide, un trou, un manque » ! Certaines Africaines utilisent leur sexe comme arme politique… Cette tradition camerounaise, l’Anlu, est une réponse à un homme qui leur a manqué de respect : les femmes forment un cercle autour de lui et lèvent leur jupe. Façon de dire : « Tu n’es pas digne de l’organe qui t’a donné la vie. » Alors qu’on discute de la prétendue « théorie du genre », ne faudra-il pas enseigner cette histoire à l’école ? Décoder les attentes liées au sexe des femmes permet en effet d’expliquer des millénaires d’inégalités.