Marie Claire

« AZADI », DE SAÏDEH PAKRAVAN

L’histoire intrigante, puis inquiétant­e, puis terrible, d’une jeune Iranienne atteinte dans sa liberté et jusqu’au plus intime de sa chair, victime d’un gouverneme­nt fou. Rescapée, elle nous montre ce qu’est, venue du fond de leur coeur et de leur corps,

- PAR GILLES CHENAILLE

Liberté, j’écris ton nom », dit Paul Eluard, qui s’il avait été Iranien l’aurait écrit en persan : « Azadi » (éd. Belfond). Les jurés du prix du roman Marie Claire 2015 ne pouvaient pas ne pas être sensibles à pareil titre, mais encore fallait-il que le contenu du livre soit à la hauteur… Nous en avons discuté dans le salon de l’hôtel Montalembe­rt, lieu traditionn­el de nos échanges, débats et, plus rarement, désaccords. Cette année, il y eut bien quelques éclats. Les livres sont une passion, qui, en tant que telle, provoque forcément des excès. Précisons quand même qu’aucune des six candidates au prix ne s’est retrouvée sans fan, ne serait-ce que parce que la moitié du jury (trois membres de notre rédaction) les avait sélectionn­ées pour cette finale. Au terme de ces déli- bérations parfois sportives, où le puissant « Vernon Subutex 1 », de Virginie Despentes, sembla un instant avoir ses chances, « Azadi », quand nous sommes passés au dernier vote, l’a emporté nettement. Parce qu’en effet, au-delà du titre, cette chronique de la vie d’une étudiante iranienne, à peine politisée mais manifestan­t, comme beaucoup d’autres en 2009, contre des élections truquées et une existence bridée par de nombreux interdits, a quelque chose d’universel. Puisqu’aucune liberté n’est acquise pour toujours, et que le propre d’un grand roman est de nous faire ressentir de près tout ce que nous avons de commun avec des personnage­s qui, vus de loin, semblent si différents de nous. Nous avons été, comme vous le serez sûrement aussi, émus et captivés par cette histoire de résilience. Dont la fin pourrait se résumer à deux des derniers vers du poème d’Eluard : « Et par le pouvoir d’un mot / Je recommence ma vie ». Ce mot dont l’héroïne paiera quand même cher le prix : liberté.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France