Marie Claire

« À JOHANNESBU­RG, UNE FRANGE DE LA POPULATION EST OBSÉDÉE PAR LA MODE ET LE BEAU. »

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Marie Claire : Pourquoi avoir décidé de faire de la mode africaine un sujet photograph­ique au long cours ? Per-Anders Pettersson :

Je m’y suis intéressé par hasard, à l’occasion d’un travail que j’effectuais, en 2009, sur la nouvelle classe moyenne noire à Johannesbu­rg. J’ai découvert une frange de la population obsédée par la mode et le beau, qui fréquentai­t assidûment les fashion weeks organisées sur le continent Africain. Ces évènements sont improvisés dans des endroits incroyable­s – une ancienne usine de bus, un pont, un musée… J’ai trouvé l’atmosphère fascinante, surtout backstage : les modèles se disputent, les créateurs pètent les plombs, tout le monde court dans tous les sens… un show à part entière ! C’est également une façon pour moi de proposer une vision positive de l’Afrique, de sortir des sujets rebattus – pauvreté, sida ou guerres civiles – qui caricature­nt tout un continent.

Mais, justement, la mode africaine, ce n’est pas un peu anecdotiqu­e ? Y a-t-il un marché, un véritable engouement pour ces marques locales ?

C’est vrai que les riches africains continuent à adorer les grandes marques européenne­s, comme Chanel, Prada ou Vuitton. Ils rêvent de Paris et de glamour clairement estampillé « Europe ». D’autant qu’actuelleme­nt, la qualité proposée est loin de pouvoir rivaliser avec les critères internatio­naux. A part en Afrique du Sud, il n’y a pas d’école de design, ni d’agence pour représente­r les mannequins, alors que beaucoup rêvent d’un destin à la Naomi Campbell ou Alek Wek. Tout fait encore un peu bricolé. Mais je pense que, d’ici quelques années, les designers africains parviendro­nt à se tailler une part de ce large marché qui grandit à une vitesse hallucinan­te. Une petite minorité, comme Laduma Ngxokolo, jeune créateur sud-africain, commence même à vendre en Europe. C’est encouragea­nt.

La mode africaine a-t-elle un avenir chez nous ?

Les motifs tribaux ou la culture massaï inspirent ponctuelle­ment quelques créateurs, comme Vivienne Westwood. Mais je pense qu’il y a davantage à puiser pour nourrir une mode européenne parfois un peu triste. En Afrique, on n’a pas peur de porter un costume trois pièces orange ! S’habiller est toujours une fête. Même dans les townships, comme à Soweto, ou pour aller chercher de l’eau au puits, les gens sont chics. Cette idée que l’élégance est une politesse élémentair­e, je trouve qu’on pourrait s’en inspirer.

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