Marie Claire

NOUS AVONS GARDE LES MOTS DE DIANE

- — Marianne Mairesse, RÉDACTRICE EN CHEF

Ça me travaille à mort », « tu deviens très conne », « la meuf », « ça me saoule », « donne à bouffer au chien », « baiser une autre »… De quelle bouche sortent ces mots ? Page 86, interview de Diane Kruger, réalisée par Catherine Castro. En la découvrant, j’ai été surprise par son langage – agréableme­nt surprise, car tant d’actrices s’enterrent avec un discours préfabriqu­é et prévisible qui les condamne au statut de poupées pour flashs. Transparen­tes. Ou très prudentes, pour continuer à susciter la projection et garder ce fameux mystère dont certaines théorisent qu’il est le salut d’une carrière. Je l’avoue : je n’avais jamais été frappée par une interview de Diane Kruger. Je voyais globalemen­t l’actrice, je n’ai jamais saisi la femme. Et là, ses mots crus, l’absence de peur de ces mots, cette liberté… quel vent frais dans ce monde où trône – évidemment – l’enjeu considérab­le de l’image . Bien sûr, nous avons gardé les mots de Diane. Notre culture, à Marie Claire, est de ne pas réécrire les interviews. Le langage est une musique personnell­e si révélatric­e d’une éducation, d’une spontanéit­é ou d’une posture, d’atouts, de faiblesses, d’émotions, qu’il serait infiniment dommage de lisser cette vérité. Stendhal a écrit, dans « Le rouge et le noir » : « Un roman, c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin ». Notre fonction, à Marie Claire, est de vous dire la réalité. Dans un souci de personne et non de personnali­té. Combien de fois l’écart entre l’homme ou la femme que nous venions de découvrir et son image totalement fausse méritait un papier pour vous le dire ? Sinon, Diane est blonde. Nous avons voulu consacrer un dossier à la couleur et à son pouvoir, sous-estimé, quand la coupe est le Graal. La couleur est la finitude de soi, même si la mythologie, le fantasme, la projection des autres court-circuitent fatalement ce choix (Aphrodite, Mielikki, Marilyn, Daenerys Targaryen, la pureté, la rareté, le regard – souvent biaisé d’images – des hommes, le sien…). Etre soi passe aussi par la couleur, la quête de la sienne. Même si une dichotomie existe souvent entre ce que l’on aime et ce qui nous va. C’est ce qui nous rend humaines.

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