La belle imperfection
En art, décoration ou consommation, fini le zéro défaut.
Rebuts hier, le non-calibré et l’erreur de production sont aujourd’hui célébrés. Des décennies de standardisation ont créé un univers lisse dans lequel l’homme, faillible par définition, ne se reconnaît plus. Dans un monde où tout (y compris notre nez) peut être parfait, l’anomalie fait l’authentique, l’unique et même le beau. Comme chez Petit h, atelier où Hermès transforme en oeuvres d’art les matériaux écartés (cuirs trop fripés ou soies mal teintées). En décoration, le bureau de tendance Nelly Rodi prédit l’avènement du défaut volontaire, avec des céramistes comme Natalie Sanzache ou le studio Tripleliving et leurs lampes fissurées, voire cassées. L’artiste berlinois Heike Bollig (voir images ci-dessus) collectionne, lui, les objets avec des défauts de fabrication, dont des conserves à l’étiquette froissée.
Les boîtes « moches », c’est aussi le nouveau cheval de bataille d’Intermarché qui, après ses campagnes « Les fruits & légumes moches » et « Les biscuits moches » (brisés), les commercialisera dans certains de ses rayons. Le déclassé est également adopté par Carrefour, qui lance son label « Anti-gaspi », dont une ligne de céréales avec des défauts visuels. Prise de conscience (selon le collectif Les Gueules Cassées, partenaire de ces lancements, 17 millions de tonnes d’aliments sont chaque année gaspillées pour des questions de forme, calibre ou couleur) ou post-esthétisme ; comme au Japon, nous pratiquons désormais le wabi-sabi, art ancestral de trouver la beauté dans l’imperfection. —a.-l. g.