Marie Claire

Parfums : les nouveaux classiques des grandes maisons

Vuitton, Prada, Dior, Chanel, Hermès. Chacune a demandé à son parfumeur attitré de traduire son identité dans une fragrance exclusive. Des sillages profondéme­nt enracinés dont on découvre la genèse et les accords.

- Par Nolwenn du Laz. Photos Jean-Marie Binet. Collages Prudence Dudan.

Les Parfums Louis Vuitton

Les mots de… Jacques Cavallier-Belletrud, le maître parfumeur : « Il m’a paru évident de créer d’emblée une collection de sept voyages olfactifs. Rose des Vents vous emporte à Grasse, au milieu d’un champ de roses centifolia. Il est racé grâce à l’iris et au cèdre, piquant grâce au poivre et relayé par une sensation de peau de fruit veloutée. Turbulence­s est une ode à la tubéreuse, mêlée à un buisson de jasmin, rehaussée d’une touche de cuir. Dans la Peau est une infusion de cuir naturel issu des ateliers Louis Vuitton exaltée par des notes d’abricot, de jasmin, de narcisse et de muscs. Apogée magnifie le muguet, relayé par le jasmin, sur fond de bois de gaïac et de santal. Mille Feux est un souvenir d’un cuir couleur framboise aperçu dans l’atelier. L’Infusion de Cuir, rehaussée d’osmanthus aux accents abricotés, est associée à une framboise à peine sucrée. Matière Noire exhale le bois d’agar du Laos, sombre et précieux, associé au cassis et contrasté par des fleurs immaculées, narcisse et jasmin, cyclamen. Contre Moi est une vanille fraîche, oxygénée par les fleurs – d’oranger, rose et magnolia –, corsée de cacao amer et de graine d’ambrette, puis enrobée de muscs soyeux. » Sur la peau Ses sept propositio­ns sont un vrai par

ti pris, tout comme les flacons élaborés par le designer Marc Newson. Nos préférées : Matière Noire et son jeu entre bois ténébreux et fleurs blanches de séduit, et Contre Moi, une vanille singulière, qui laisse une empreinte très attachante. →

La Femme de Prada

Les mots de… Daniela Andrier, créatrice de parfums chez Givaudan et auteure des parfums Prada : « Je souhaitais un floral élégant, tissé de belles matières, qui ait autant d’identité qu’un Fracas de Piguet, sans être ennuyeux. Inspirée par les souvenirs d’une fleur de frangipani­er de Bali, du tissu d’une de mes jupes Prada et d’une image de précollect­ion – une élégante, la nuit, sur le pont d’un paquebot, nimbée d’un air humide de chaleur –, je voulais ce parfum en voyage dans le temps, qu’il vienne d’ailleurs. Cette fleur exotique et sensuelle n’a jamais été exprimée ainsi. J’ai travaillé simultaném­ent son alter ego masculin, une fougère infusée d’iris, de violette et d’ambre. Ce jeu d’ambivalenc­es me plaisait. » Sur la peau L’ylang-ylang est tempéré de cire d’abeilles, vanille, tubéreuse et véti

ver. Modernité et tradition sont conciliés, comme le flacon architectu­ral, au dos gainé de cuir Saffiano blanc.

Miss Dior Absolutely Blooming de Dior

Les mots de… François Demachy, le parfumeur créateur : « Miss Dior est né en 1947, année de la première collection couture de Christian Dior. Il s’installe alors au château de la Colle-Noire, près de Grasse. Le nom de cette nouvelle version de Miss Dior est la résonance d’une floraison infinie. Elle exprime le caractère déraisonna­ble de la rose de mai qui n’en finit pas de fleurir tout au long du mois et se révèle à croquer. Je souhaitais traduire son aspect charnu et l’enrichir d’une facette gourmande, comme une confiture de rose. Sentir devait donner l’impression joyeuse de manger une rose savoureuse. »

Sur la peau L’accord rose, rafraîchi par la pivoine, séduit par ses facettes miellées

et poivrées. Framboise, grenade et cassis lui apportent un plaisir croquant, acidulé, tandis que les muscs l’adoucissen­t. La gourmandis­e florale est toujours fraîche. Elle donne envie de revenir sans jamais écoeurer. →

L’Eau N° 5 de Chanel

Les mots de… Olivier Polge, le parfumeur : « C’est la cinquième interpréta­tion du N° 5, depuis la création de L’Extrait en 1921 jusqu’à L’Eau Première. Après avoir caressé l’idée d’une Cologne, je me suis décidé pour une Eau. J’ai déshabillé le parfum jusqu’à en reconnaîtr­e la sculpture, redistillé et redistribu­é les matières premières. Une leçon d’épure pour qu’il gagne en transparen­ce et que les éléments du fond se tamisent. L’idée de la fraîcheur, déjà présente dans l’extrait, devient plus éclatante. Ce socle amène le N° 5 sur une histoire plus quotidienn­e et décontract­ée. »

Sur la peau L’envolée vibrante, gorgée d’aldéhydes, est relayée par une brassée de

fleurs plus aérée. Le jasmin paraît oxygéné et l’ylang-ylang plus vert. En fond, cèdre et muscs détrônent le santal vanillé. L’accord iconique reste familier mais se révèle moins poudré, comme éclairé.

Galop d’Hermès

Les mots de… Christine Nagel, la créatrice de parfums : « Pierre-Alexis Dumas (le directeur artistique, ndlr) aime dire que le cheval est un corps d’athlète sur des chevilles de ballerine. Je voulais un manifeste de la féminité selon Hermès. L’histoire de Galop commence dans les caves à cuirs où bat le coeur d’Hermès. La texture du Doblis ressemble à la peau d’une femme. J’ai inventé le sillage de ce cuir si féminin. Pour retranscri­re sa tactilité, j’ai associé la rose et le cuir, en écho. Le cuir emporte la rose, la rose anime le cuir. C’est le sillage d’une femme qui prend les rênes de sa vie, son flacon est un étrier. » Sur la peau Mi-animal, mi-floral, d’une douceur troublante, Galop part sur une

envolée nerveuse de rose presque verte, vite rejointe par un accord cuir aux molécules high-tech, rehaussé de safran. La rose turque, charnelle grâce au coing, ne se laisse pas dominer. Les contraires dansent avec élégance. — n.l.

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