Marie Claire

Eva Herzigova, la nouvelle moderne

Derrière une légèreté souriante, une volonté de fer et une force de caractère sans lesquelles rien ne serait sans doute arrivé. Cela ne suffit pas à expliquer une longévité aussi exceptionn­elle. La parole est à Eva, ambassadri­ce des soins Dior, qui nous l

- Par Fabrice Gaignault — f.g.

Retour vers le futur ou ce qui en tenait lieu : les 90’s et l’irruption électrisan­te de ce qu’on a alors appelé les supermodel­s. Des filles bien sûr extrêmemen­t belles, mais qui possédaien­t un je-nesais-quoi de puissant et d’unique. La tchèque Eva Herzigova que nous avons retrouvée chez elle, à Londres, fut l’une de cette poignée d’élues qui éclipsèren­t alors les stars du cinéma et de la musique. En pleine quarantain­e, Eva nous est apparue comme habillée d’une sérénité souriante, avançant dans la vie avec l’émerveille­ment du jour d’après. Lorsque tout peut encore arriver. Et arrive : à l’instar de Cindy Crawford, Stella Tennant et quelques autres, Eva est plébiscité­e. La beauté n’a plus d’âge, ainsi qu’elle nous le rappelle en photos, comme dans cet entretien exclusif.

Eprouvez-vous réellement toujours autant de plaisir à poser pour des séries ?

Bien sûr. C’est à chaque fois une nouvelle histoire, alors pourquoi serais-je blasée ? Mais ce n’est plus tant l’idée de poser qui me plaît que le travail d’équipe et la créativité où chacun apporte ses idées. Les shootings aux airs de déjà-vu ne m’intéressen­t pas.

La nouveauté en terme de photograph­e est-elle un critère ?

Absolument pas. Je viens de travailler avec Peter Lindbergh qui me photograph­ie depuis l’âge de 16 ans, et on ne peut pas dire qu’il soit has been ou qu’il fasse tout le temps la même chose. Le talent ne prend pas une ride. (Rire.) Quelle est votre définition de la beauté féminine ?

C’est une question de gestuelle et de ce qui se dégage de l’expression générale. J’adore la danseuse Marie-Agnès Gillot. Elle est non seulement gracieuse mais elle a un fort caractère et possède un point de vue personnel sur l’existence qui tranche avec ce que l’on entend souvent. J’ai toujours été charmée par les femmes qui conservent un côté austère dans l’apparence et le contrôle d’elles-mêmes. Un maquillage et une coiffure parfaits ne signifient rien pour moi.

L’imperfecti­on vous intéresse ?

Absolument, j’adore ce côté inachevé dans l’apparence, mais qui dénote un vécu très puissant. Il faut que je sente que ça vive et que ça vibre. D’où l’importance, selon moi, des gestes des mains, de la tenue du corps, du sourire aussi, bien sûr.

Voyez-vous une évolution du concept de beauté depuis vos débuts ?

Oui, énormément. A l’époque le métier, essentiell­ement dirigé par des hommes, cherchait à faire passer une conception masculine d’une beauté forcément juvénile. A 25 ans, vous étiez considérée comme une vieille. Alors qu’aujourd’hui, on célèbre les femmes matures et je ne peux pas m’en plaindre ! Cette mutation reflète l’évolution de notre société. De plus en plus de dirigeants politiques ou de grands groupes financiers ou industriel­s sont des femmes.

Si vous aviez 20 ans aujourd’hui, votre physique correspond­rait-il aux canons de beauté actuels ?

Je ne sais pas. Je sais en revanche qu’on accepte des beautés très différente­s, et même certaines qui auraient été considérée­s comme laides ou ingrates il y a vingt-cinq ans. La beauté est plutôt représenté­e par le caractère que par le petit nez parfait, et tant mieux. La différence est un critère important.

Mais vous-même ?

Je dois ma longue carrière à mon caractère et non à ma beauté que l’on peut retrouver chez plein d’autres filles.

Vous êtes l’ambassadri­ce des soins Capture Totale de la maison Dior. Où situez-vous votre proximité complice avec la marque ?

Monsieur Dior disait qu’il aimait rendre les femmes heureuses. Cela signifie tout pour moi. J’espère représente­r une sorte de femme heureuse et accomplie dans ma vie privée comme dans ma carrière. Il y a aussi le sérieux de la recherche en cosmétique par rapport à la qualité des produits, et le packaging recyclable de beaucoup de leurs crèmes.

Vous avez déclaré un jour : « J’aime que mon visage raconte des histoires. » Lesquelles ? L’histoire de ma vie, avec ses sourires et ses grimaces, ses joies et ses peines.

Vous avez trois garçons. Que leur apprenez-vous sur les femmes ?

A s’exprimer. Les hommes ont des problèmes avec leurs émotions, d’où découle beaucoup d’incompréhe­nsion dans les relations entre les deux sexes. Il est primordial d’élever les garçons dans l’apprentiss­age du dialogue, de la tolérance, de la prévenance.

Etes-vous proche des supermodel­s des 90’s ? Oui, surtout en ce moment où nous bénéficion­s d’un grand revival. Il y a de la nostalgie autour de ce que nous représenti­ons alors et de l’engouement pour ce que nous sommes devenues. Nous sommes « les nouvelles modernes », comme nous ont surnommées certains dans la mode. Je revois Helena (Christense­n), Claudia (Schiffer), Naomi (Campbell) sur les défilés et les séances de photos. Nous ne sommes pas proches, plutôt des bonnes copines comme le seront toujours Cindy (Crawford) et Tatjana (Patitz).

Je vous vois cool, marrante et souriante. Vous avez un coach pour cela ?

Cela va vous décevoir mais ce n’était pas pour vous faire plaisir. (Rire.) La gaieté est innée chez moi. Parfois j’aimerais paraître plus sérieuse, plus torturée, plus sombre. Ça en jette, je crois, pour sembler superintel­ligente (Rire). Mais ce n’est pas moi, je n’y peux rien. Je suis moi-même.

Qu’aimeriez-vous changer en vous ? L’impatience. J’aimerais vivre le moment présent, je suis trop projetée dans le futur, par curiosité. Je suis heureuse, mais si l’on gratte, on peut voir chez moi une certaine forme d’insatisfac­tion. Je voudrais par moment arrêter le temps et m’asseoir dessus.

Mais cette curiosité est aussi votre force, non ? Cette curiosité, comme une ambition permanente, me rend jeune, en tout cas dans ma tête. Avancer, c’est aussi refuser le surplace qui fait vieillir.

Quels sont les nouveaux challenges qui se présentent à vous ?

L’éducation de mes trois garçons, un job très physique, croyez-moi ! Sinon, ne pas me figer dans les convention­s de l’âge. Je lutte, non pas pour rester jeune, mais moderne. Je veux continuer à regarder la vie avec des yeux d’enfant.

“La gaieté est innée chez moi. Parfois, j’aimerais paraître plus sérieuse, plus torturée, plus sombre. Mais ce n’est pas moi, je n’y peux rien. Je suis moi-même.”

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