Marie Claire

Glenn Martens de Y/Project

Avec un sens aiguisé du second degré, ce Flamand de 33 ans explore le baroque, allonge les silhouette­s et mélange les genres.

- Par Emmanuelle Ducournau d’autres portraits de créateurs sur www.marieclair­e.fr/createurs

Vous faites coexister le baroque, le streetwear, le gothique. La schizophré­nie est-elle la seule façon d’aborder la mode aujourd’hui ?

C’est la seule manière d’aborder la vie. On a tant de personnali­tés en une journée. Enfants-boulot-soirée rave, il faut être à l’aise partout. Un vêtement né d’influences opposées reflète cette multiplici­té. L’invitation du défilé figurait Isabelle d’Espagne : nous avons repris l’émotion de la Renaissanc­e, avec une manche bouffante, un col montant, pour l’adapter à la modernité. On mélange aussi les genres, 40 % de la collection est unisexe. Qu’importe qui porte quoi, tant qu’il se l’approprie. J’essaie de stimuler l’individual­ité. Nombre de nos pièces sont adaptables : avec tous ses zips, le bomber peut se porter de maintes façons. Remettre en question la constructi­on est un kif personnel.

Comment est né cet attrait des contraires ?

Je viens de Bruges. L’architectu­re médiévale y est sublime, austère. La ville ne s’est jamais développée après la Renaissanc­e, tout est uniforme, parfait. Mais à côté de ça, il y a le tourisme de masse, les baraques à frites, les bonbons. J’ai grandi dans cette contradict­ion. Ces mondes éloignés m’ont façonné. Vous aimez partir du laid pour le rendre beau, par goût du risque ?

C’est un défi excitant. Je me suis longtemps concentré sur la perfection, le bon goût occidental, pour en maîtriser tous les codes. Puis je me suis rebellé contre eux. Ce velours stretch auquel on a ajouté de la dentelle, c’est dangereux, ça peut faire coussin Laura Ashley. Il s’agit de pousser l’idée si loin que le résultat devient acceptable, cool, inattendu.

Quelles étaient vos obsessions enfantines ?

La belle Marie de Bourgogne, morte en 1482, à 25 ans, d’une chute de cheval après quatre jours d’agonie. J’allais souvent voir son tombeau avec mon père dans l’église Notre-Dame de Bruges. Quand j’ai commencé à dessiner, c’était toujours des personnage­s historique­s : Marie-Antoinette, Marie de Bourgogne, Charles Quint… Je réinventai­s leurs habits. C’est là que j’ai commencé à penser le vêtement. J’avais 10 ans. Pour ma propre marque, j’avais des muses, toujours mortes tragiqueme­nt, telle Elizabeth Siddal, modèle des préraphaél­ites (l’Ophélie de Millais). Accro au laudanum, elle s’est suicidée. Mais avec Y/Project, non, je veux que toutes les femmes s’y retrouvent.

 ??  ?? 1. Diplômé de l’Académie Royale d’Anvers, Glenn Martens a lancé sa propre marque avant de reprendre les rênes de Y/Project en 2013. Pour l’automne-hiver 2016-17 (2, 3 et 6), il réinsuffle avec modernité l’émotion de la Renaissanc­e, comme le suggérait...
1. Diplômé de l’Académie Royale d’Anvers, Glenn Martens a lancé sa propre marque avant de reprendre les rênes de Y/Project en 2013. Pour l’automne-hiver 2016-17 (2, 3 et 6), il réinsuffle avec modernité l’émotion de la Renaissanc­e, comme le suggérait...

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