Marie Claire

Le show maudit

Considéré, à sa sortie, comme l’un des plus mauvais fi lms de l’histoire, “Showgirls” a acquis, au fi l du temps, le statut d’oeuvre culte. Cette satire sulfureuse de Las Vegas revient en salles. Nous adorons.

- Par Romain Blondeau

C’est l’histoire d’un malentendu. Un flop magistral

qui faillit coûter la peau d’un grand réalisateu­r et envoyer aux oubliettes une oeuvre fascinante. Au début des années 90, alors qu’il vient de cartonner avec Basic instinct, Paul Verhoeven, cinéaste néerlandai­s installé à Hollywood, se lance dans un projet encore plus subversif : Showgirls, portrait d’une jeune danseuse qui débarque à Las Vegas pour faire carrière et se perd entre strip-tease et défonce dans les bas-fonds de la ville du vice. Tourné avec un budget de 45 millions de dollars, ce thriller érotique sort aux Etats-Unis en 1995. Tout le monde croit au succès. La chute est brutale : hué par la presse, qui dénonce le « sexisme » et la « bêtise » du scénario, nommé treize fois aux Razzie Awards (oscars de la honte), Showgirls se plante au box-office et gagne le titre de « plus mauvais film de l’année ». Dans la déroute, Paul Verhoeven perd une partie de sa crédibilit­é à Hollywood, et avec lui, les actrices du film, Elizabeth Berkley et Gina Gershon.

Défendu par Tarantino

Rebondisse­ment inattendu : quelques mois après sa sortie, Showgirls explose le record de ventes de cassettes vidéo, tandis que des cinéastes reconnus mènent peu à peu une campagne de réhabilita­tion du film. Quentin Tarantino, Jim Jarmusch et Jacques Rivette en parlent comme d’un classique, suivis par la nouvelle génération de réalisateu­rs français, dont Mia Hansen-Love et Yann Gonzalez. Showgirls passe ainsi du statut d’oeuvre maudite à celui d’objet culte enfin considéré à sa juste valeur. Perçu comme un banal thriller surfant sur la nudité gratuite, le film était en réalité une cinglante satire de Las Vegas. Avec ses scènes de sexe frontales, son casting de starlettes aux formes aguicheuse­s, ses dialogues hyper-cyniques et ses plans trashs recouverts de néons bleus ou rouges, Showgirls exploitait l’imagerie bling-bling de Las Vegas pour mieux la détourner. Revoir le film aujourd’hui, c’est prendre un shoot d’Amérique des années 90, pénétrer dans les coulisses de la cité du péché. Ne manquez pas l’expérience.

Showgirls de Paul Verhoeven, avec Elizabeth Berkley, Gina Gershon, reprise le 14 septembre.

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