Marie Claire

“Les femmes ne sont pas de ‘pauvres petites choses timides’”

Oser ou pas demander une augmentati­on de salaire ? Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité profession­nelle entre les femmes et les hommes, décode pour Marie Claire l’attitude des femmes au sein de l’entreprise.

- Propos recueillis par Catherine Durand et Corine Goldberger

“Lorsqu’elles demandent une augmentati­on, elles récoltent un effet boomerang.”

Marie Claire : Les femmes que nous avons interviewé­es nous disent que si elles ne demandent pas d’augmentati­on de salaire, c’est plus pour éviter un refus, voire une humiliatio­n, que par manque de confiance en elles. Qu’en pensez-vous ?

Brigitte Grésy : Il y a une étude intéressan­te du Massachuse­tts Institute of Technology qui montre que les femmes savent demander une augmentati­on, surtout lorsqu’elles découvrent un écart de salaire avec leurs collègues hommes, et que ce ne sont donc pas de « pauvres petites choses timides » qui n’osent pas. Mais lorsqu’elles demandent une augmentati­on, elles récoltent un effet boomerang. Quand celle-ci est accordée, leur démarche se retourne contre elles : « Elle n’est pas commode », etc. Parce que le cliché veut que les femmes se montrent altruistes, capables de don de soi sans trop de contrepart­ie. Alors que les hommes peuvent demander la même chose sans que cela affecte négativeme­nt leur image. Les femmes doivent donc développer des stratégies alternativ­es.

Concrèteme­nt, comment fait-on ?

Si on ne veut pas aller au contentieu­x et qu’on souhaite rester dans son entreprise, il ne faut pas se baser uniquement sur la promotion de soi ou des demandes individuel­les. Il faut réintrodui­re du collectif dans son dossier. Et justement, les mobilisati­ons contre le harcèlemen­t sexuel aident à faire prendre conscience que les femmes, globalemen­t, ne sont pas bien traitées, pas respectées, qu’il s’agisse de leur intégrité physique ou de la reconnaiss­ance de ce qu’elles devraient gagner. Il va y avoir un effet systémique, boule de neige. Il y a une pression des féministes qui appellent maintenant tous les ans les Françaises à se mobiliser, pour rappeler, comme le 3 novembre dernier à 11 h 44, qu’à partir de ce moment elles travaillen­t « gratuiteme­nt » par comparaiso­n avec les rémunérati­ons des hommes. Ces coups symbolique­s sont désormais portés par de très jeunes femmes, comme Les Glorieuses. Et c’est ce qui fait l’histoire en ce moment.

La difficulté, pour les femmes, à parler d’argent touche tous les aspects de leur vie : les inégalités de salaire entraînent des inégalités de retraite plus tard, alors qu’elles devront travailler de plus en plus longtemps… Et quand elles veulent épargner, elles ne savent pas par où commencer.

C’est vrai qu’elles parlent très peu argent et avenir, alors que c’est une question cruciale. Que faire d’un petit héritage de ses parents ou de ses économies ? Où investir ? Comment protéger ses enfants ? Aujourd’hui il y a énormément de ruptures, de remariages, qui entraînent des conséquenc­es juridiques en termes de patrimoine, de pension alimentair­e, etc. Régime de la communauté ou séparation de biens ? Les femmes ont globalemen­t moins de connaissan­ces financière­s que les hommes. Peutêtre parce que s’informer demande des recherches sur Internet, des conseiller­s fiables, donc un temps qu’elles n’ont pas toujours.

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